Moyen-Orient – France: Vision 2030 (Arabie saoudite), Rafale (EAU), DONAS’ (Liban)


Publié dans le numéro 5 de la LettreM, 18 juillet 2017.

Trois pays, trois axes de coopération majeurs avec la France : réintégrer les Français dans la Vision 2030 saoudienne, profiter du contexte géopolitique actuel pour débloquer le programme Rafale aux EAU et pour relancer la coopération militaire avec le Liban.

Arabie saoudite : En insistant sur la Vision 2030, comme axe majeur de partenariat entre son pays et l’Arabie saoudite, l’Ambassadeur de France à Riyad François Gouyette reflète parfaitement bien les priorités croisées des Saoudiens et des Français : créer une synergie économique et industrielle entre les deux pays afin de rehausser le niveau des échanges au niveau du partenariat politique présenté comme stratégique.

Gouyette a pris ses fonctions à Riyad en septembre 2016, et les Français avaient déjà pratiquement raté le coche en omettant d’intégrer Vision 2030, si chère à celui qui s’apprêtait à devenir Prince héritier et qui se prépare aujourd’hui à devenir Roi, à leur politique saoudienne [Arabie saoudite : Paris doit placer « Vision 2030 » au cœur de sa politique saoudienne]. C’était sous Hollande, qui privilégiait l’Arabie saoudite parmi les partenaires régionaux de la France, en présence de l’ancien Prince héritier Mohammad Ben Nayef Ben Abdulaziz qui voyait en la France un précieux partenaire stratégique, et sous Obama dont le mandat pouvait laisser l’espace qu’il convenait en Arabie saoudite aux autres partenaires du royaume. Aujourd’hui, avec une administration américaine offensive, un Prince héritier, Mohammad Ben Salman Ben Abdulaziz, égocentrique et caractériel, un Emmanuel Macron qui hésite à marquer ses préférences au niveau de ses relations arabes, les choses peuvent paraître encore plus dure à rattraper.

Pour autant, les contrats franco-saoudiens attendus ou espérés, y compris et surtout aussi dans le domaine de la défense, devront nécessairement intégrer la Vision 2030. Il n’est donc pas trop tard, au contraire, pour élaborer une politique franco-saoudienne axée sur la Vision 2030, même si cela exige, des deux côtés, une réelle volonté politique et de vraies convictions sur la pérennité des relations bilatérales.

La question a été évoquée lors de la rencontre le 15/07 à Djeddah entre le MEAE Jean-Yves Le Drian et le Prince héritier Mohammad Ben Salman Ben Abdulaziz, alors que les deux décidaient la création d’une Commission mixe qui aura pour objectif de dynamiser les échanges économiques et commerciaux notamment. Les industriels français, y compris ceux de la défense, devraient y être associés, à condition (…)

 

Emirats Arabes Unis : Pour sa part, l’Ambassadeur de France à Abou Dhabi, Ludovic Pouille, qui vient de prendre ses fonctions, a lui aussi évité (comme son homologue de Riyad) d’aborder la délicate question de la coopération militaire entre la France et les Emirats Arabes Unis, dans ses multiples interventions publiques et ses déclarations, insistant sur les dimensions économiques, culturelles. Pourtant, la coopération militaire, coordonnée pendant des années par l’actuel Ministre de tutelle de Pouille, le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian (ancien Ministre de la Défense), est au cœur des relations franco-émiraties. Et, au cœur de cette coopération, un homme : le Prince héritier d’Abou Dhabi, vice-commandant des Forces armées fédérales cheikh Mohammad Ben Zayed Al Nahyan.

MBZ, qui vient d’être reçu à l’Elysée par le Président Emmanuel Macron, avant de recevoir (à nouveau) Jean-Yves Le Drian (dans le cadre de sa tournée dans le Golfe), est le garant d’une convergence de vues durable entre les deux pays, indépendamment du pouvoir français [Emirats Arabes Unis – France : Une convergence durable (suite)] [EAU-France : Une convergence durable]. MBZ surexploite l’outil militaire, et mise, aussi, sur son partenariat avec la France pour en tirer le meilleur parti [Emirats Arabes Unis : Mohammad Ben Zayed (sur)exploite le Complexe Militaro-Industriel].

Malgré sa proximité avec le Complexe Militaro-Industriel américain, et avec l’actuelle administration, MBZ réserve une place centrale à la France dans son tour de table des alliances stratégiques. Sur le plan stratégique et militaire, Emiratis et Français agissent ensemble sur des terrains sensibles, là où parfois il est même difficile de suivre MBZ… : Yémen, Libye. La base militaire française d’al-Aïn incarne parfaitement cette alliance militaire stratégique entre les deux pays, en plus des accords et des programmes de coopération bilatéraux.

Les programmes d’armement en font partie bien évidemment : la France ne désespère pas arracher à MBZ une commande de Rafale, comme une preuve de son attachement durable, dans un contexte géopolitique aussi instable, à son alliance avec elle. Les espoirs français sont entretenus d’un mandat présidentiel à un autre [EAU : Mohammad Ben Zayed à l’Elysée : le changement, c’est maintenant…]. La clé d’un tel programme à forte teneur politique, ne serait-elle pas aux mains de l’Elysée, justement ? (…)

Liban : Au Liban aussi, l’Ambassadeur de France Bruno Foucher, arrivé la veille du 14 Juillet, affirmait à l’occasion de la célébration de la fête nationale à la Résidence des Pins que « les frontières du Liban sont les frontières de la France », et que « la coopération avec le Liban en matière de sécurité est en tête des priorités de la France ». Certes, le diplomate parle de toutes les frontières du Liban : celle où un contingent français sert sous les couleurs de l’ONU (FINUL), celles où patrouillent aussi les bâtiments de la Marine nationale (FINUL et hors-FINUL), et celles où des experts français prêtent mains fortes à l’Armée libanaise dans sa mission de lutte contre les djihadistes.

La sécurité dont il fait une priorité française est, elle aussi, à prendre dans son sens large : stabilité interne, lutte contre le terrorisme, stabilisation du front israélien, défense de l’intégrité territoriale du Liban, etc.

Mais il vient automatiquement à l’esprit cette ambition française, mal exprimée pour une multitude de raisons, de contribuer, efficacement, à la restructuration des Forces Armées Libanaises et à leur équipement. Le programme DONAS, mal conçu dès son lancement car trop politisé [Liban-France – Arabie saoudite : DONAS et sa dangereuse politisation] [Liban : Relance (partielle) du programme DONAS : timing politique ou militaire ?] [Liban – France : Prisonnier d’enjeux régionaux, DONAS survit tant bien que mal] [Liban : Relancer DONAS : François Hollande parviendra-t-il à convaincre Riyad ?] est définitivement perdu. Il est perdu pour le Liban, et pas pour les deux autres partenaires, la France et l’Arabie saoudite qui l’ont transformé en Saudi-Fransi Military Program au profit des Forces armées saoudiennes.

Depuis, Paris a repris ses programmes d’aides à l’Armée libanaise, parfois dans l’urgence, et maintient une présence militaire active aux côtés de ses alliés libanais. Mais on est loin des ambitions exprimées lorsque l’axe franco-saoudien pensait imposer son diktat au Liban, jusqu’à imposer, à l’axe syro-irano-Hezbollahi, un programme de transformation des FAL aussi ambitieux que DONAS. Le 16/07, le Ministre libanais de la Défense Yaacoub Sarraf disait souhaiter la reprise de la donation saoudienne au profit des FAL…

Le contexte géopolitique évolue, et le contexte interne au Liban aussi. Le nouvel Ambassadeur de France, dont la nomination à Beyrouth reflèterait aussi ces évolutions régionales et internes, pourrait plancher sur un nouveau programme d’aide militaire aux FAL, moins ambitieux que DONAS, et plus ambitieux que les programmes actuels, et, surtout, mieux adapté à la réalité libanaise et à la nouvelle posture française sur la zone (..).

Consulter le numéro 5 de la LettreM, 18 juillet 2017.

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