Le Président français François Hollande reçoit le patriarche maronite Mgr Béchara el-Raï (09/04) à l’Elysée, alors que la crise syrienne menace la présence chrétienne en Syrie, après l’Irak, et que le conflit commence à affecter la stabilité dans les pays voisins, au Liban notamment. Le chef de l’Eglise maronite, qui se rend en France dans le cadre d’une tournée internationale qui l’amènera aux Etats Unis, vient voir un Président qui, à l’instar de tous ses prédécesseurs, ne cesse de rappeler l’engagement de la France pour la souveraineté du Liban et pour son intégrité territoriale. Un Président qu’il n’a pas pu rencontrer à Beyrouth, lorsqu’il s’y était rendu pour manifester son soutien aux institutions et à l’Etat libanais. Raï vient à sa rencontre, alors qu’il multiplie ses contacts avec les capitales qui comptent au Proche-Orient, et après s’être rendu à Moscou pour exprimer une convergence de vues parfaite avec l’Eglise Orthodoxe sur la crise syrienne, avant un nouveau déplacement au Vatican.
Raï, qui a accueilli, au début de la crise syrienne, le Pape Benoît XVI au Liban, a brisé un tabou presque, en se rendant lui-même à Damas par la suite. C’est que les horizons s’assombrissent pour les Chrétiens d’Orient, avec la montée en puissance d’un islam politique radical, et avec l’anarchie qui accompagne le “printemps islamique”.
La Syrie est en proie à une guerre qui provoque l’exode de dizaines de milliers de Chrétiens, et leurs coreligionnaires libanais s’inquiètent pour leur avenir. Au Liban, les problèmes ne cessent de s’accumuler, jusqu’à menacer et les institutions et la nation libanaise elle-même: l’islam radical noyaute une communauté musulmane traditionnellement tolérante, la guerre en Syrie attise les tensions confessionnelles, les rivalités régionales (Iran vs Arabie saoudite) trouvent des échos grandissants sur la scène libanaise, les centaines de milliers de réfugiés Syriens et Palestiniens déstabilisent des équilibres démographiques fragiles, les échéances constitutionnelles risquent de ne pas être respectées alors que les élections législatives cristallisent les tensions internes et régionales etc.
Pour Mgr Raï, la France gagne à réévaluer sa politique syrienne, afin d’accompagner le changement devenu inéluctable, sans que cela ne déstabilise durablement l’environnement social et politique qui a permis aux minorités chrétiennes de maintenir une présence active au Proche-Orient. La priorité pour les Eglises Catholique et Orthodoxe reste la survie de leurs communautés en Syrie, et la sanctuarisation de l’unique périmètre de liberté qui leur reste encore aujourd’hui au Liban. Au Liban, d’où vient Mgr Raï, la priorité est avant tout à la stabilité. Cela nécessite une consolidation de la scène libanaise interne, et la stabilisation aussi de la Syrie voisine.
Après des mois de blocages, meurtriers, et de passivité américaine, Washington semble vouloir passer à la vitesse supérieure, et envisage désormais une issue de sortie pour le drame syrien, avec Moscou. Raï, qui coordonne ses vues avec le Vatican bien entendu, et avec l’Eglise Orthodoxe depuis peu, espère inciter la France à encourager la nouvelle démarche américaine en vue d’un règlement négocié avec Moscou. François Hollande semble aujourd’hui plus disposé qu’auparavant à s’aligner sur la politique américaine.