Après le Ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius venu inspecter, façon Kouchner, les camps de réfugiés syriens et les hôpitaux de campagne français, son homologue de la Défense Jean-Yves Le Drian se rend en Jordanie pour faire le point avec les dirigeants jordaniens sur les évolutions syriennes et leur impact sur la stabilité de ce pays central sur l’échiquier régional. Comme Fabius, Le Drian est attendu également au Liban (12-13/09) autre pays voisin de la Syrie et qui s’efforce d’éviter la contagion syrienne. Le Ministre de la Défense évoquera au Liban la contribution française à la FINUL et l’aide technico-militaire espérée par l’Armée libanaise afin d’assurer un meilleur contrôle et une meilleure surveillance de la frontière syro-libanaise et des régions frontalières au nord et dans la Béqaa. En Jordanie, Le Drian, qui va évoluer dans le sillage du MAE qui a placé haut la barre de l’offensive anti-syrienne, planchera surtout sur l’implication humanitaire et logistique de l’Armée française dans la guerre en Syrie à partir du royaume hachémite. Les services sanitaires de l’Armée française sont présents et bien visibles à la frontière Jordanienne avec la Syrie, où le régime syrien peut redouter d’autres formes d’implications françaises pour appuyer les insurgés ou aussi pour préparer d’éventuelles actions militaires limitées ou d’envergure contre le territoire syrien.
La Jordanie risque de se retrouver impliquée, en effet, dans la guerre en Syrie, pour une série de raisons : sa position géographique, l’ancrage volontaire du Roi Abdullah II dans les camps occidental et arabo-monarchique engagés ensemble dans le projet de renversement de Bachar el-Assad, l’intérêt direct et immédiat du régime hachémite à adhérer aux projets de ses bailleurs de fonds saoudiens et arabes du Golfe en Syrie et au Levant, et aussi son intérêt à se débarasser du régime baasiste nationaliste à Damas. Malgré cela, Abdullah II n’est pas particulièrement enthousiaste à l’idée de s’engager, ouvertement et pleinement, dans une guerre extérieure contre la Syrie. Les raisons sont multiples, là aussi, et elles se résument par une triple crainte : la crainte de voir l’esprit révolutionnaire frapper aux portes de son royaume, par contagion; la crainte d’entraîner des (ré)actions syriennes déstabilisatrices sur le sol jordanien (des cellules terroristes agissant pour le compte du régime syrien sont démantelées, alors que des accrochages sporadiques opposent les forces armées syriennes et jordaniennes) et la crainte aussi d’attiser l’instabilité politique interne [Lien en anglais] dans un contexte tendu (clivages au sein du palais; revendications de plus en plus fermes de l’Opposition, y compris et surtout les Islamistes; tensions grandissantes entre Transjordaniens et Palestiniens; mauvaise gouvernance et corruption généralisée; etc).
La Jordanie est un autre maillon faible du dispositif pro-occidental au Moyen-Orient. Ce pays, qui doit surtout s’intéresser à se réformer en profondeur, n’a pas besoin d’être entraîné, une nouvelle fois aujourd’hui avec la crise syrienne, dans une aventure militaire lourde de conséquences sur sa propre stabilité. Si un plus grand engagement lui est demandé dans le contexte actuel, cela doit être accompagné, necessairement, par des garanties, associant diverses dimensions: économiques et financières, militaires et sécuritaires, politiques, diplomatiques, médiatiques, etc. Une ceinture de sécurité vitale, aujourd’hui, pour le régime monarchique. Un filet, de secours, sans lequel ces acrobaties politiques et militaires auxquelles est associée la Jordanie, risquent de lui être fatales.