Emirats Arabes Unis: Préserver la capacité de dissuasion grâce à la combinaison «avion – drone»


Pour les Emirats Arabes Unis, ce n’est pas tant l’émergence progressive depuis les années 90 des drones sur les champs de bataille qui constitue un game changer militaire mais la place qu’ils réservent dans leurs planifications stratégiques futures au couple « avion de combat – drone ». En effet, pour l’état-major émirati, et pour le Prince héritier d’Abou Dhabi cheikh Mohammad Ben Zayed Al Nahyan (également vice-commandant des Forces armées émiraties et ancien pilote et ancien commandant de l’Air Force) personnellement, le couple « avion de combat – drone » est perçu comme une garantie du maintien de leur supériorité aérienne construite progressivement pendant de longues années, et comme pilier d’une dominance aérienne durable. Il s’agit de conserver leur capacité d’action face à des ennemies dissymétriques, et leur capacité de dissuasion face à une puissance régionale tel que l’Iran.

Pour les Forces armées émiraties, l’expérience acquise sur les théâtres d’opérations avec l’emploi progressif des drones, y compris par des groupes non étatiques, et dans des missions qui se diversifiaient avec le progrès technologique surtout, leur permet aujourd’hui de gérer assez efficacement la menace que représentent les drones envoyés par les rebelles Houthis pro-iraniens à partir du Yémen principalement. Elles le font grâce à l’intégration d’une série de moyens disponibles, dont le succès est assuré aussi, faut-il le souligner, par les limites des capacités opérationnelles adverses. Intercepter des drones aux spécifications limitées (au niveau de la furtivité ou de la vitesse par exemple) est aujourd’hui à la portée des Forces aériennes et de défense aérienne des EAU. Dans un contexte plus menaçant, face à un adversaire mieux équipé, qualitativement et quantitativement, et pouvant s’appuyer par exemple sur des essaims de drones, cette supériorité aérienne ne serait plus garantie.

Pour Abou Dhabi, les capacités d’interception des drones disponibles actuellement dans l’arsenal des adversaires ou sur les théâtres d’opérations où leurs Forces armées sont amenées à intervenir, sont en amélioration constante, avec des programmes ciblés, la dotation des industries locales en capacités de R&D, l’intégration des systèmes, un dialogue coopératif avec des pays ayant une bonne expertise, etc. Cela procure aux Forces aériennes et de défense aérienne émiraties, encore aujourd’hui, la supériorité aérienne à laquelle elles peuvent prétendre au Yémen, en Libye, en Irak, en Syrie, face à des armées régulières ou face à des organisations non étatiques aux moyens relativement limités. Cela ne saurait être assuré sur le moyen et le long terme, au vu des évolutions géopolitiques, militaires et technologiques attendues.

L’ambition des EAU, qui se voient investis d’un rôle régional dépassant leur poids géographique, de rechercher la dominance aérienne dans un environnement bien plus compétitif militairement et technologiquement, rend encore plus légitime leur fixation sur le couple « avion de combat – drone » et sur leur maîtrise future des technologies furtives notamment.

Les EAU ont parfaitement intégré toute l’utilité à terme du couple « avion de combat –drone » dans un contexte de durcissement des défense aériennes sol-air adverses, que la dissémination des systèmes russes S-400 et demain S-500 peut faire craindre. La prolifération à leurs portes de capacités offensives avec toute une batterie de drones de conception plus ou moins révolue en fonction de leur origine locale, turque ou chinoise dont se dotent les Etats et parfois aussi les organisations non étatiques, menace, elle aussi, l’avantage qualitatif dont disposent aujourd’hui les Forces armées émiraties.

C’est face à cette double menace qui est déjà réelle mais qui se renforce inéluctablement, que les EAU pourraient vouloir parier sur la complémentarité avions de combat et drones pour conserver un avantage sur le champ de bataille. Ainsi, pour lutter contre ce risque de déni d’accès qui remet en cause leur capacité de dissuasion et leurs capacités opérationnelles, en faisant peser une menace sur l’efficacité de leurs moyens aériens vis-à-vis d’Etats plus importants qu’eux, la réponse perçue comme optimale et crédible par l’état-major émirati est ce couple « avion de combat – drone ».

Abou Dhabi, qui vient de rajouter Israël à sa liste de partenaires militaires et technologiques, a de plus en plus tendance à évaluer le rang technologique et militaire de ses alliés et partenaires stratégiques en fonction de leurs programmes de drones, de drones de combat plus particulièrement, et de l’intégration de ces systèmes futuristes dans leur dispositif de défense. Pour les Emiratis, et ils ne sont certes pas les seuls sur la zone, la maîtrise du couple « avion – drone » est une condition nécessaire pour accéder au rang de partenaire ou allié stratégique, d’autant que MBZ et son état-major ne s’imaginent pas manquer le rendez-vous avec ces technologies capables de garantir aux EAU le maintien d’une supériorité aérienne et, pourquoi pas, prétendre un jour à une dominance aérienne au sein de leur club de partenaires régionaux et face aux adversaires. C’est sans aucun doute un véritable enjeu pour la sécurité future d’Abou Dhabi qui a bien compris qu’à défaut de pouvoir appuyer sa force sur le nombre et la quantité, il fallait pouvoir fonder cette force sur la qualité et sur une supériorité technologique incontestable.

 

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