CMA CGM au Port de Beyrouth: convergences d’intérêts et soutien politique unanime


Le choix de CMA CGM pour la gestion du terminal de conteneurs du Port de Beyrouth est bien accueilli par les Libanais. C’est pour eux, chose rare sinon exceptionnelle dans le contexte présent, une bonne nouvelle économique, annonciatrice, espèrent-ils en écho avec les propos du CEO de la compagnie marseillaise Rodolphe Saadé, « d’un renouveau des échanges économiques entre le Liban et le reste du monde ». La classe politique libanaise salue elle aussi la finalisation du deal avec le géant français, devenu pour l’occasion « franco-libanais », et les médias, relevant pour la plupart de cette même classe politique, sont unanimes à s’en réjouir d’autant que ce deal pourrait annoncer pour certains d’entre eux quelques opportunités financières. La couverture médiatique de cette annonce est donc positive pour l’ensemble de la presse et des médias audiovisuels, y compris, et cela mérite d’être signalé, les médias qui affichent traditionnellement une hostilité politique et idéologique à ce que représente pour eux cet ancrage stratégique de CMA CGM dans le tissu économique libanais.

Ce deal avec CMA CGM, dont le CEO s’affichait aux côtés du Président Emmanuel Macron à Beyrouth, ouvre grandes les portes du Port de Beyrouth à la compagnie française qui annonçait un an auparavant l’élargissement de sa présence dans le Port de Tripoli au nord du Liban avec le rachat de la totalité de Gulftainer Lebanon. Le Port de Beyrouth, connu pour être un des principaux foyers de la corruption politique au Liban, bénéficiera, par la porte de son terminal de conteneurs, de l’expérience, des compétences et des réseaux de CMA CGM pour se moderniser et entamer sa reconstruction et la rationalisation de sa gouvernance.

Qui des deux influencera l’autre en premier : la pandémie de la corruption qui gangrène l’administration du Port, y compris le fameux « comité provisoire » de la Gestion et Exploitation du Port de Beyrouth qui a retenu l’offre de CMA CGM en optant pour la voie expresse mais certainement pas la plus transparente (et avec lui la plupart des services administratifs qui se trouvent sous la tutelle des divers Ministères : Travaux publics et Transports, Finances, Intérieur, Défense, Economie), ou CMA CGM qui a choisi de s’engager pour le Liban pour des raisons à la fois économique, commerciale, stratégique, et sentimentale même (et derrière elle l’Etat français que l’on imagine présent en permanence lorsqu’il s’agit du Liban et de sa énième tentative de sauvetage) ?

Pour répondre à cette question, il convient de

(i) Identifier les principaux acteurs impliqués, officiellement ou plus discrètement en coulisse, leurs liens ou sponsors politiques locaux ou extérieurs, et leurs intérêts respectifs qui peuvent parfois être contradictoires.

(ii) Déterminer les paramètres qui ont commandé le choix de CMA CGM par le comité provisoire de GEPB et par le Ministre de tutelle, et leurs soutiens politiques respectifs.

(iii) Evaluer l’impact des évolutions géopolitiques régionales sur le scénario retenu pour accélérer la finalisation du deal avec CMA CGM.

(iv) Evaluer l’influence de l’agenda politique interne au Liban et en France en faveur de ce choix.

(v) Anticiper l’évolution du plan d’investissement annoncé par CMA CGM pour le terminal de conteneurs à la lumière des projets prévus pour le développement du Port de Beyrouth dans son ensemble.

(vi) Prévoir « l’impact politique » qu’auraient ce projet en particulier et la série d’autres projets majeurs lancés ou prévus dans le cadre du plan de relance économique (réhabilitation du transport en commun, modernisation du secteur des télécommunications, exploitation du gaz offshore, réhabilitation du secteur de l’électricité, réhabilitation des raffineries de pétrole, restructuration du secteur bancaire, etc.), alors que l’échiquier politique interne et régional est en rapide transformation.

(vii) Identifier des garde-fous pour limiter les risques de voir ce projet être contaminé à son tour par une corruption aujourd’hui généralisée et qui reste très faiblement combattue dans les faits malgré les engagements annoncés et les pressions exercées.

 

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