EAU: Un contexte régional et international favorable au rapprochement entre Paris et Abou Dhabi


Plusieurs facteurs rapprochent la France d’Abou Dhabi, Le Caire et Riyad. Parmi lesquels le facteur iranien qui joue surtout pour Riyad, le facteur Frères Musulmans qui joue surtout pour Abou Dhabi et Le Caire, le facteur turc qui joue pour les trois partenaires arabes. Un autre facteur entre en jeu aujourd’hui : l’élection présidentielle américaine. Le prince héritier d’Abou Dhabi Mohammad Ben Zayed Al Nahyan, qui assume sa position d’allié numéro un de Washington dans le Golfe sous l’administration Trump, le prince héritier saoudien Mohammad Ben Salman Ben Abdulaziz, qui doit en partie sa survie politique au degré de tolérance manifestée à son égard par le président Donald Trump, et le président Abdel-Fattah al-Sissi, qui fut le premier chef d’Etat arabe à manifester son soutien au candidat Trump, redoutent tous aujourd’hui la perte de leur président américain au profit de Joe Biden.

MBZ, MBS et Sissi ont tous les trois leurs raisons, partagées ou non, de poursuivre leurs politiques de rapprochement avec d’autres partenaires internationaux et d’élargir la diversification de leurs relations internationales. Cela profite à la France. Cela est surtout visible pour les EAU avec lesquels les relations de partenariat de la France ne cessent de se renforcer sous Emmanuel Macron. En Libye, la France poursuit et défend la politique égypto-émiratie, même au prix de provoquer ses partenaires européens et otaniens. Sur le continent africain, Paris et Abou Dhabi ont de grandes possibilités de coopération, tout comme au Levant où ils partagent souvent une même lecture des évènements actuels : terrorisme, islam, Iran, Israël. En Méditerranée orientale, Paris adopte une posture qui attire Abou Dhabi et la rassure. Ce partenariat stratégique équilibré entre Paris et Abou Dhabi, qui se décline naturellement en contrats économiques, en coopération culturelle, et en coopération militaire, aurait pu être compromis par une plus grande influence américaine sur MBZ.

A l’instar de MBS et de Sissi, MBZ craint pour ses relations avec Washington. Le mandat de Trump arrive à sa fin, et le Président sortant se retrouve dans une posture inconfortable. L’hypothèse de l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche ne les rassure pas. Ce facteur jouera en faveur de la France au cours des prochains mois. Le facteur chinois pourrait lui aussi favoriser un rapprochement entre la France et ses partenaires arabes, notamment ceux du Golfe qui redoutent l’implication du bras de fer sino-américain sur la sécurité de la zone, alors que la Chine et l’Iran s’engagent dans un partenariat stratégique de long terme. Une occasion peut-être pour arracher quelques engagements nouveaux aux Emiratis, aux Saoudiens et aux Egyptiens.

Pour Paris, l’occasion de monter en puissance rapidement à Abou Dhabi

L’Ambassadeur de France aux EAU Ludovic Pouille, qui vient d’être nommé à Riyad, est remplacé à Abou Dhabi par un camarade de promotion de l’ENA du Président Emmanuel Macron : Xavier Chatel de Brancion. Pouille qui a fait preuve d’un grand dynamisme lors de sa mission aux EAU, s’y trouvait dans une posture favorable à la France de manière générale. Cependant, il subissait dans son action auprès des autorités émiraties le poids des relations privilégiées entre MBZ et l’administration Trump. Son successeur devrait en être libéré, le temps de la campagne présidentielle américaine peut-être, ou plus durablement si Joe Biden était élu.

L’élargissement de l’engagement militaire de la France dans le Golfe, avec notamment la mission de surveillance maritime européenne lancée à l’initiative de Paris, les (trois) bases de l’Armée française aux EAU, l’adhésion de l’Elysée à la politique aboudhabienne en Libye, l’action déterminée menée par Paris en Méditerranée face à la Turquie, etc., sont autant de facteurs qui ne cessent de consolider le partenariat stratégique franco-émirati. Ces facteurs et bien d’autres, y compris les facteurs américain et chinois, promettent de nouvelles opportunités de coopération entre les deux pays au cours des prochains mois. Une occasion de rêve pour tout jeune diplomate que d’arriver dans un contexte si naturellement favorable aux relations bilatérales.

Xavier Chatel de Brancion saurait-il apprécier cet avantage qu’il a par rapport à ses prédécesseurs à Abou Dhabi ? Dans ce pays allié de la France, XCB parviendrait-il à se libérer de certains des préjugés qu’il porte depuis ses missions au sein de l’administration française : complaisance à l’égard des Frères Musulmans, de l’Opposition syrienne et de la Turquie lorsqu’il était sous-directeur d’Egypte-Levant à la direction d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient au Ministère des Affaires étrangères ? Sa succession à Ludovic Pouille à Abou Dhabi serait-elle faite dans de meilleures conditions que sa succession au sein du cabinet de la Ministre des Armées Florence Parly à Luis Vassy, aujourd’hui Ambassadeur aux Pays-Bas et dont le bilan était extrêmement flatteur comme conseiller diplomatique aux côtés de Jean-Yves Le Drian à la Défense ?

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