Le Président Emmanuel Macron l’avait annoncé devant le Parlement réuni à Versailles (03/07) : une initiative française pour la Libye est en préparation. Le 25/07, le maréchal Khalifa Haftar, chef de l’Armée Nationale Libyenne (ANL), et son rival le chef du Gouvernement d’Union Nationale (GUN) Fayez Serraj se réunissaient à la Celle-Saint-Cloud (après une première rencontre entre les deux hommes en mai dernier à Abou Dhabi). La présence à cette rencontre de l’envoyé spécial de l’ONU en Libye Ghassan Salame (en poste depuis le 20/06) suggère une connotation onusienne à cette initiative pourtant bien française. Salame, politologue franco-libanais ayant occupé un poste semblable en Irak sans vraiment convaincre (2003), représente le Secrétaire Général de l’ONU certes, mais il représente aussi la France qui aurait finalement réussi à le placer à ce poste (après avoir manqué son rendez-vous avec l’UNESCO). Cela ne semble pas apaiser les Italiens, très remontés contre ce qu’ils perçoivent comme une fâcheuse tendance élyséenne à vouloir monopoliser ce dossier stratégique pour Rome et l’UE qu’est la Libye.
Pourtant, l’Elysée et le Quai d’Orsay ont multiplié leurs efforts pour arriver à arracher à Haftar et Serraj qu’ils se voient à Paris et qu’ils s’entendent sur une feuille de route indispensable pour avancer et espérer une stabilisation de la Libye : la tenue d’élections (présidentielle et législatives), l’accord sur un cessez-le-feu, la poursuite de la guerre contre les groupes djihadistes. Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, qui avait vu juste en maintenant le contact avec le chef de l’ANL lorsqu’il était au Ministère de la Défense sous Hollande, est celui qui a le plus pesé dans le montage de cette initiative voulue par l’équipe élyséenne. JYLD en a parlé avec le Président égyptien Abdel-Fattah al-Sissi et avec le Prince héritier d’Abou Dhabi cheikh Mohammad Ben Zayed Al Nahyan, tous deux pro-Haftar, alors que le Président Emmanuel Macron vendait son initiative libyenne au Président Vladimir Poutine notamment et au Président Donald Trump. Sissi et MBZ sont très directement impliqués en Libye, et avaient commencé à s’ouvrir aussi sur Serraj dont le gouvernement est reconnu par l’ONU, même si c’est à Haftar qu’ils accordent leur confiance. Pareil pour Poutine dont on dit que Haftar est l’homme en Libye. Ils laissent faire la France, et l’encouragent activement même.
Le Qatar, aujourd’hui en confrontation ouverte avec le camp saoudo-émirato-égyptien, a lui aussi des intérêts et des leviers en Libye, dans le camp opposé à Haftar bien évidemment. L’émirat devait être neutralisé sur ce dossier, et ne pouvait y être associé que pour obtenir son maintien à l’écart des tractations. L’Algérie et d’autres pays voisins sont tout naturellement concernés par la Libye et sa dangereuse instabilité, et ont donc été consultés, y compris par le Ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, sans plus. Les Etats-Unis planifient un retour en force en Libye, et voudraient le faire sans confrontation frontale avec la Russie qui mise depuis des années sur le potentiel libyen via le maréchal Haftar. Ils sont incontournables, même s’ils choisissent de rester, pour l’instant encore, en dehors de ces tergiversations politiques et diplomatiques autour de la Libye. L’UE, motivée par l’urgence de trouver un règlement à la migration illégale et au terrorisme débordant à partir de la Libye, n’a toujours pas élaboré une stratégie complète et cohérente pour atteindre ses objectifs, attisant indirectement les rivalités que l’on sait parmi ses membres et parmi surtout les Etats européens directement touchés par ces fléaux.
Qui aurait imaginé exclure l’Italie d’une initiative sur la Libye ? Qui en porte la responsabilité ? L’adhésion de Haftar, connu pour ses positions anti-italiennes, imposait-elle une telle prise de risque de la part de Paris ? JYLD, qui assistait le 24/07 à Rome à la conférence des Ambassadeurs italiens, affirmait, pourtant, dans un tweet (@JY_LeDrian) que « la France et l’Italie peuvent beaucoup ensemble »… Sur le dossier libyen, les Italiens soupçonnent les Français de vouloir faire cavaliers seuls surtout, et de vouloir distribuer eux-mêmes les rôles et avantages…
Dans cette note de 4590 mots, MESP tente d’évaluer
(i) les chances de succès de cette initiative française en termes politiques,
(ii) les risques d’exclure du processus (ou de marginaliser) des acteurs locaux (les Kadhafistes, etc.), régionaux (le Qatar, l’Algérie, etc.), et internationaux (l’Italie, etc.),
(iii) l’opportunité d’internationaliser (ONU, UE, Russie, pays arabes) rapidement tout règlement politique et militaire à la crise libyenne.
Dans cette note, réservée à ses clients, MESP (iv) s’intéresse à l’action globale est (ou devra être) proposée pour obtenir une stabilisation rapide de la scène libyenne, et particulièrement à la dimension militaire qui comprend aussi la reconstruction d’une véritable Armée nationale capable de répondre aux multiples défis actuels et à venir.
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