Paris a choisi le quotidien saoudien international Asharq al-Awsat, propriété du clan Salman, pour lancer un (autre) ballon d’essai avec l’annonce d’une (nouvelle) initiative française pour la Syrie. L’initiative, qui serait « annoncée au moment opportun » par le Président Emmanuel Macron, devrait permettre à la France (dont la gestion de ce dossier aura été des plus erratiques) et à l’Europe de revenir sur le dossier syrien après une marginalisation de plusieurs mois du fait, notamment, de l’offensive russe menée sur tous les fronts, y compris diplomatique et militaire. Il est question de coordonner ce come-back franco-européen avec la Russie et l’Iran, selon les précisions fournies et les commentaires d’analystes. Mais, pour les Français, « le principal obstacle » reste les Etats-Unis qui ne possèdent toujours pas de vision politique pour la Syrie et qui se contentent principalement de combattre l’Etat Islamique et le terrorisme, selon des sources françaises citées par Asharq al-Awsat.
« L’initiative française » peut servir au maintien de la France, et avec elle l’Europe, dans le jeu syrien. En allant au-delà de la seule guerre contre le terrorisme, et en supposant un changement de régime en Syrie, la Présidence française, qui vient de recevoir des représentants « non représentatifs de l’Opposition syrienne » (selon Riad Hijab, coordinateur du Haut comité de l’opposition en vue des négociations), cherche à mettre en avant une certaine « valeur ajoutée » par rapport aux autres acteurs internationaux : la Russie, qui souhaite le maintien du régime Assad, et les Etats-Unis, qui accordent une priorité absolue désormais à la guerre contre le terrorisme en « Syrak ». Il n’y a pas de mal à annoncer une telle initiative aujourd’hui, de manière non officielle, surtout qu’elle aiderait à consolider l’image de « troisième voie » qui profiterait à la France dans le contexte géopolitique actuel. Mais, cette annonce se transformera-t-elle en une véritable initiative ? Qui la soutiendrait parmi les acteurs internationaux et régionaux qui comptent ?
Ces indiscrétions parisiennes ne sont pas particulièrement risquées pour la crédibilité de la France, sauf si les « initiatives » françaises qui se multiplient restaient, toutes, lettres mortes… Car, en effet, le Président Macron, dont on pense qu’il optimiserait son approche des questions moyen-orientales, n’a pas que « l’initiative syrienne » dans sa poche : il pense à une « initiative libyenne », à une « initiative qatarie ». D’autres « initiatives » sont également attendues…
L’initiative libyenne, objet d’un brainstorming interne entre les divers Ministères concernés, devrait impliquer aussi normalement les partenaires européens comme l’Italie, et d’autres acteurs dont le Royaume-Uni, la Russie, les Etats-Unis, l’Egypte, le Maroc, l’Algérie, le Qatar, les Emirats Arabes Unis, l’ONU, l’OTAN, etc. Des « initiatives libyennes » il doit s’en préparer en coulisses, et celle qu’envisage la France de proposer, ne sort pas du lot, semble-t-il.
Quant à « l’initiative qatarie » que l’Elysée cherche à promouvoir afin de contribuer à apaiser les tensions entre les partenaires arabes de la France, elle n’en est pas une en réalité. Pour qu’on parle de « médiation française » dans la crise du Golfe, ces contacts engagés par le Président Macron et son Ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères avec les diverses parties impliquées ou concernées sont bien évidemment insuffisants.
Un peu comme l’initiative sur la Syrie ou l’initiative sur la Libye, l’intervention française sur le dossier qatari offre une précieuse visibilité à la France. C’est déjà çà.
En appuyant la médiation koweïtienne, la France fait preuve d’une prudence certaine. Et, en profitant de certains écarts observés dans la gestion du dossier qatari par l’administration Trump, pour revendiquer une plus grande responsabilité vis-à-vis de la région du Golfe et de ses partenaires arabes, la France fait preuve d’un indéniable opportunisme.
Cette position pragmatique semble la plus appropriée dans le contexte actuel, d’autant que ni les Etats-Unis, ni même les partenaires arabes les plus proches de Paris, ne semblent souhaiter une « médiation française ». Qui voudrait, en effet, offrir au Président Macron l’occasion de remporter une si belle victoire diplomatique sur un dossier où la France n’est qu’un acteur secondaire ?
Multiplier les annonces diplomatiques, les initiatives, les prises de position, sert à accroître la visibilité de la France et de l’administration Macron. Mais, (…)
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