MENA – France: La Défense et Jean Yves Le Drian pour assurer “la transition”?


L’Ambassadeur Philippe Etienne, nommé en 2017 à Moscou après trois années passées à Berlin, sera le conseiller diplomatique du Président Emmanuel Macron. Celui qui dirigera la cellule diplomatique de l’Elysée est un spécialiste de l’Europe. Vue du Moyen-Orient, du camp arabe sunnite qui s’offre à Djeddah (15/05) au Président américain Donald Trump ou du camp pro-iranien toujours aussi engagé aux côtés du Président russe Vladimir Poutine, cette nomination diplomatique ne pourrait, encore à ce stade, être interprétée comme un recentrage de la politique extérieure de la France au détriment du Moyen-Orient. C’est, au pire, une décision neutre (pour le Moyen-Orient).

Avant son investiture officielle, Macron avait déjà reçu des félicitations de la plupart des pays de la zone MOAN (Moyen-Orient Afrique du Nord), y compris de l’Iran qui vit à son tour une période électorale. Il s’est entretenu au téléphone avec deux dirigeants qui comptent : le Roi Mohammad du Maroc et le Roi Salman Ben Abdulaziz d’Arabie saoudite. D’autres contacts suivront, et on parle déjà de visites officielles de dirigeants et responsables arabes à Paris, dont une visite, ajournée depuis 2016, du Président libanais Michel Aoun (qui avait reçu le candidat Macron à Beyrouth).

La nomination donc d’Etienne suscite quelques curiosités au sein des chancelleries moyen-orientales à Paris, en attendant d’y voir plus clair avec les nominations ministérielles et la constitution des équipes. Qui sera « Monsieur Moyen-Orient » au sein de la cellule diplomatique dirigée par Etienne ? Comment se feront les arbitrages entre l’Elysée et le Ministère des Affaires étrangères sur les dossiers du Moyen-Orient ? Quelle sera la politique moyen-orientale du Président Macron ? Assumera-t-il une « politique arabe » ? Ces interrogations ont occupé ces dernières semaines les chancelleries arabo-orientales les plus averties, qui ont été prises de court par l’ascension du candidat d’En Marche ! et par son élection à la Présidence.

En attendant de nouveaux éléments de réponse, avec les nominations prévues incessamment, on s’est contenté d’analyser les discours de politique étrangère du candidat Macron, des discours partiels et superficiels par moment, et qui ne permettent pas de saisir les grandes orientations de sa politique moyen-orientale. Le jour de son investiture officielle, il a renouvelé son engagement à combattre le terrorisme, un dossier qui parle directement aux partenaires régionaux de la France, mais qui les laisse sur leur faim tant il est traité de manière rapide…

Réaffirmer les fondamentaux, avec pragmatisme et modération 

Le retour en force dans les affaires régionales des Etats-Unis de Trump et la consolidation par la Russie de Poutine de ses acquis moyen-orientaux, sans parler du dynamisme dont font preuve d’autres acteurs internationaux sur les dossiers qui les engagent dans la région MOAN (Chine, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, etc.), imposent à la nouvelle équipe présidentielle qu’elle œuvre à réaffirmer clairement et fortement les engagements français sur une série de questions pressantes : guerre contre le terrorisme, Syrie (Assad), Iran (accord nucléaire, rivalités avec les partenaires arabes de la France), conflit israélo-palestinien, Libye, stabilité du Golfe, de l’Egypte, du Liban, l’islam radical (les Frères Musulmans, le Hezbollah…) etc. Et, s’il est nécessaire pour la France de montrer une autonomie certaine vis-à-vis des autres acteurs internationaux, la complexification du contexte régional lui impose aussi de ne pas pêcher par un excès d’anti-Trumpisme ou d’anti-Poutinisme… S’il est nécessaire aussi pour la France de montrer son attachement à ses valeurs et principes moraux, il lui est tout autant indispensable de faire preuve de pragmatisme dans la gestion des dossiers les plus sensibles du moment.

Eviter la périlleuse période de flottement et assurer la continuité

Pour y voir plus clair donc, les interlocuteurs régionaux de la France devront attendre l’installation du nouveau pouvoir, selon les lois et règles de la démocratie républicaine. Les éléments d’informations qui filtrent sur la politique moyen-orientale du Président Macron, et les insinuations même sur les options qu’il prendrait sur une zone où il n’est vraisemblablement pas particulièrement à l’aise, ne suffisent pas, aujourd’hui, pour que les partenaires et interlocuteurs de la France aient une compréhension globale des nouvelles orientations françaises sur les dossiers les intéressant. Mais ils doivent se contenter de cela, en attendant les prochaines échéances franco-françaises.

Mais le nouveau Président hérite des engagements pris par son ou ses prédécesseurs sur les dossiers régionaux, et devrait, dans un premier temps, les gérer à vue. La continuité est assurée par les relais diplomatiques, militaires, culturelles, économiques, ce qui devrait éviter une indésirable période de flottement… Surtout, la France possède les leviers qui lui permettent de se maintenir sur la zone, et la volonté naturelle pour le faire. Parmi ces leviers, son outil militaire et sécuritaire qui lui assure une présence influente et désirée sur, pratiquement, l’ensemble de la région.

Pour de nombreux interlocuteurs arabes de la France, cette capacité d’engagement et de rayonnement des Armées françaises, dotées des moyens opérationnels, tactiques et stratégiques que l’on sait, peut à elle seule assurer une transition sereine avec l’arrivée d’une nouvelle équipe au pouvoir à Paris. Pour beaucoup d’entre eux, notamment le Président égyptien Abdel-Fattah al-Sissi, le Prince héritier d’Abou Dhabi (et vice-commandant des Forces armées) Mohammad Ben Zayed Al Nahyan, le vice-prince héritier (et Ministre de la défense) d’Arabie saoudite Mohammad Ben Salman Ben Abdulaziz, l’émir du Qatar Tamim Ben Hamad Al Thani, etc., s’il faut mettre un visage à cette transition, ce serait celui du… Ministre (sortant) de la Défense Jean-Yves Le Drian…

Scroll to Top