L’analyse, à chaud, de la bataille d’Alep et de ses conséquences, relève du défi intellectuel et moral aussi. Lorsqu’elle est faite sous un angle idéologique, comme c’est le cas le plus souvent aujourd’hui, l’analyse d’un tel drame humain et d’une telle bataille frontale aux ramifications régionales et internationales, ne peut qu’accroître la confusion. Cela empêche aussi d’en tirer les leçons et d’anticiper l’avenir en vue de mieux le préparer. Or il y a trop de sentiments et trop de partis-pris et trop d’engagements chez les uns et les autres pour espérer des analyses sereines et utiles. Il faut mettre entre parenthèses tout cela et attendre peut être aussi que la poussière de la bataille retombe pour mieux en saisir les implications.
La bataille d’Alep est la dernière phase stratégique du conflit, un conflit qui peut encore durer longtemps, mais qui est aujourd’hui à un tournant: l’axe russo-iranien ne cesse de se consolider et impose son tempo y compris aux ennemis d’hier comme la Turquie. En tout cas, après la reprise d’Alep, rien ne sera plus comme avant en Syrie, si ce n’est le drame humain et les souffrances des civiles.
La reprise d’Alep, dans un contexte géopolitique régional et international particulier, impose à l’Opposition syrienne et à ses sponsors régionaux et soutiens internationaux de repenser leur stratégie en profondeur: la guerre frontale est perdue pour eux. Iront-ils plus facilement vers des négociations avec le régime? Choisiront-ils de privilégier la “civilisation” de l’Opposition (par opposition à sa “militarisation” actuelle et qui est responsable des échecs encourus). Cela devra-t-il nécessairement passer par un dernier baroud d’honneur, et par une nouvelle phase de violences “hybrides”, combinant le terrorisme classique et les actions militaires là où c’est encore possible?
Quoi qu’il en soit : une nouvelle phase commence et elle sera visible à tous les niveaux : politique, diplomatique, géopolitique, militaire, médiatique. Et dans cette nouvelle partie qui se jouera au Levant, Bachar el-Assad pourrait-il faire valoir ses droits à plus d’autonomie envers Téhéran et Moscou? L’issue de la bataille d’Alep ne risque-t-elle pas de pousser le Président syrien à vouloir forcer la main à ses protecteurs russes et iraniens en cherchant à reprendre le contrôle de toute la Syrie, et non seulement de la “Syrie utile”? En est-il vraiment capable à ce stade, lui qui ne désespère pas non plus de retrouver un rôle régional pesant, ou devra-t-il attendre l’installation de la nouvelle administration américaine et la clarification de ses priorités régionales?
Dans cette note de 3.402 mots, MESP tente de répondre à certains aspects de ces questions, en s’attardant sur les implications directes et indirectes de la bataille d’Alep, sur le double plan interne et régional. Dans cette note, réservée à ses clients, MESP tente de mieux comprendre les priorités immédiates des divers acteurs de la guerre syrienne, à la lumière de la bataille d’Alep, et d’anticiper les points de divergences qui pourraient apparaître entre alliés tout comme les points de convergences qui rapprocheraient entre eux les adversaires.