Il aura fallu une réunion, rapide, à l’Elysée, et une décision, prise à chaud, un peu à la chiraquienne, pour que le Président François Hollande adopte le montage imaginé par l’ancien Premier ministre libanais Saad Hariri pour imposer celui qui est devenu son candidat pour la Présidence : Sleiman Frangieh. C’est une première grosse erreur stratégique.
Bien ancré dans le camp saoudien, selon le souhait des néoconservateurs du gouvernement et de son appareil diplomatique, et convaincu, curieusement, que le choix de Saad Hariri est bien celui, unanime, de la classe dirigeante saoudienne, Hollande, Président de la France, va jusqu’à prendre l’initiative d’appeler au téléphone celui qui n’est encore aujourd’hui qu’un député libanais…
S’enfonçant dans son erreur, Paris va jusqu’à s’opposer aux efforts d’unité et de rassemblement des deux principales composantes chrétiennes libanaises, le Courant Patriotique Libre et les Forces Libanaises, des efforts consentis au prix d’énormes sacrifices et de concessions mutuelles… Deuxième grosse erreur stratégique.
En adoptant, sans y réfléchir à deux fois, le prisme haririen, le Président François Hollande aura cherché une solution de facilité pour la présidentielle libanaise. Et en oeuvrant, avec ses partenaires saoudo-libanais, en vue d’empêcher l’émergence d’un pôle chrétien fort et influent, il aura cherché à conforter l’hégémonie politique héritée de l’Accord de Taëf, caduc et maintenu en vie tant bien que mal.
Pensait-il rééditer, en 2015-2016, le scénario franco-haririen des années 1990-2000, pour ainsi espérer asseoir au Levant une influence franco-saoudienne par la porte libanaise?
Les personnes ont changé: Saad Hariri n’est pas Rafic Hariri et François Hollande n’est pas Jacques Chirac.
La nouvelle donne géopolitique internationale et régionale est inédite. L’Arabie saoudite d’aujourd’hui diffère considérablement de celle, arrogante et capable, des années précédentes. L’Iran, très engagé en Syrie et au Liban, réhabilité sur la scène internationale, et très directement opposé à l’influence saoudienne au Moyen-Orient, est un autre Iran. Le régime Assad, qui a permis l’implémentation au Liban des arrangements chiraco-haririens, change irrévocablement.
La politique interne libanaise est différente, et elle évolue au gré des évolutions régionales, et des évolutions sociales, démographiques, économiques, et militaires.
Dans cette note de 2321 mots, MESP (i) tente d’évaluer les choix politiques majeurs pris par la France au Liban au cours des deux dernières années, et ceux notamment qui ont trait à la politique interne libanaise.
Dans cette note, réservée à ses clients, MESP (ii) revient sur les erreurs stratégiques, et qui ne sont pas sans risques sur la nation libanaise, faits par les responsables du desk Liban à l’Elysée et au Quai d’Orsay, et notamment ceux qui concernent le choix du futur Président libanais.
Dans le tumulte actuel, la France gagnerait à se rappeler ses constantes libanaises, plutôt que de se risquer dans des aventures nouvelles aux conséquences mal calculées aujourd’hui et qui seront certainement mal assumées demain.
C’est la conclusion de cette note qui tient compte (iii) de l’urgence pour la France de procéder au rééquilibrage de sa politique libanaise à la lumière des évolutions géopolitiques régionales et des évolutions politiques internes au Liban, et qui (iv) offre des pistes utiles à prospecter dans le contexte actuel afin de mieux cerner les enjeux de la Présidentielle pour la nation libanaise et pour ses différentes composantes.