Alors qu’elle enregistre un déficit budgétaire record ($98md) en 2015, l’Arabie saoudite choisit de maintenir ses dépenses militaires à leurs niveaux d’avant la crise pétrolière, et de leur consacrer le quart de son budget prévisionnel pour 2016. Ces dépenses, liées à la sécurité et à la défense, s’imposent pour une multitude de raisons, dont principalement la guerre au Yémen, et la lutte contre l’Etat Islamique et le terrorisme. Mais pour l’Arabie saoudite, et pour d’autres pays arabes de la zone, les dépenses de sécurité et de défense constituent un levier tout aussi politique que sécuritaire et militaire, et c’est aussi un levier économique et financier. C’est surtout une expression de pouvoir.
L’Arabie saoudite et d’autres pays du Conseil de Coopération du Golfe, utilisent aussi ce créneau pour consolider leurs alliances régionales et internationales. C’est dans ce cadre politique et géopolitique que doivent être perçues les aides au financement de commandes militaires françaises au profit de l’Egypte et du Liban par exemple.
De telles aides, motivées en partie aussi par des impératifs sécuritaires et militaires (sécuriser le trafic maritime dans le Canal de Suez, lutter contre l’EI, contrer la puissance militaire du Hezbollah, etc.), profitent donc aux alliés régionaux et internationaux de Riyad et d’Abu Dhabi.
C’est dans ce cadre que s’inscrit le programme DONAS, un programme franco-saoudo-libanais de $3md, dont la gestion est confiée à ODAS, et dont la politisation constitue sa plus grande faiblesse encore aujourd’hui… En effet, ce programme a été lancé dans un contexte économique, financier, militaire, industriel, géopolitique et politique, différent de ce que vivent aujourd’hui Riyad, Beyrouth et Paris. Plusieurs éléments auraient pu le condamner, au profit surtout de programmes parallèles, réactifs et pragmatiques, menés par d’autres partenaires du Liban, notamment les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Les contraintes financières des donateurs saoudiens joueraient aussi contre un tel programme, sans parler des intrigues de palais…
Dans ce contexte bien différent de celui qui a permis le lancement du programme, voilà que des signaux positifs annoncent sa relance imminente, avec le déblocage des fonds par le Ministère saoudien des Finances. L’optimisme est général, encore une fois, à Beyrouth, Riyad et Paris, même si le programme en cours de déblocage aujourd’hui semble n’être qu’une pâle copie du programme initial DONAS.
Dans cette note de 3.445 mots, MESP tente d’évaluer
(i) les chances de succès de cette nouvelle tentative de redonner vie à DONAS,
(ii) les risques auxquels s’expose actuellement ce programme dans le contexte financier (saoudien), politique (libanais, saoudien, français), militaire (priorités libanaises, programmes concurrents), géopolitique (rivalités saoudo-iraniennes, image de la France),
(iii) le risque, in fine, et à la lumière de la révision de la liste des besoins, que ce programme ne soit délaissé au profit d’une série de mini-programmes dont le financement serait finalement assuré hors-DONAS (via le budget “complémentaire” de $1md, décidé au profit des FAL et du Ministère de l’Intérieur, et qui est déjà bien entamé avec des accords conclus avec d’autres fournisseurs y compris américains et russes).
Dans cette note, réservée à ses clients, MESP s’interroge sur
(iv) la coïncidence, évidente, entre le calendrier du programme franco-saoudo-libanais (DONAS ou non) et celui des échéances politiques en France,
(v) l’ambition partagée par Riyad et Paris de préserver leur influence commune (l’axe franco-saoudien) au Liban, à travers, entre autres institutions, les FAL et le Ministère de l’Intérieur (et donc les programmes d’armement),
(vi) l’utilité, réelle, d’une plateforme comme ODAS dans l’implémentation de tels programmes.
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