Les incidents, violents (tirs à l’arme automatique, une quinzaine de blessés), qui ont opposé, le 22/08, les manifestants libanais (indépendants, mobilisés contre la mauvaise gestion du dossier des déchets et contre la corruption de manière générale) et les forces de l’ordre (les unités chargées de protéger le siège du Premier ministre et le Parlement, des “milices privées” en quelque sorte, appuyées par le TIGRE, une troupe d’élite anti-terroriste du Ministère de l’Intérieur), relèvent, avant tout, d’un dossier politico-affairiste.
Ces incidents, dont on fait payer les conséquences aux jeunes manifestants mobilisés contre le système et aux forces de l’ordre qui remplissaient (maladroitement) leurs missions, reflètent un bras de fer entre le camp haririen (Saad Hariri, Fouad Siniora et l’homme d’affaires sunnite Maysara Succar propriétaire de Sukleen une des caisses noires du système mafieux mis en place par Hariri père et Walid Joumblatt sous l’occupation syrienne) et le camp joumblattiste (Walid Joumblatt, druze, et l’homme d’affaires chiite Riad el-Assaad, exclu du système et qui tente un forcing dans l’ombre de Joumblatt).
En effet, Joumblatt entend élargir sa part dans la caisse noire des déchets, au détriment de celle des Sunnites (les Sunnites estiment que Beyrouth, le plus gros “producteur” de déchets, est leur chasse gardée, et voient d’un mauvais œil la concurrence de leur “allié” druze et de son homme d’affaires chiite), alors que d’autres formules (décentralisation de la gestion des déchets) sont à l’étude.
Mardi (25/08) est une date cruciale pour ce dossier puisque les résultats de l’appel d’offres (dont l’annonce a été reportée d’une semaine) doivent être annoncés ce jour.
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La crise des déchets n’est qu’une facette de la crise politique générale qui déstabilise le Liban.
Alors que les tractations sont en cours en vue d’arriver à des arrangements régionaux, les acteurs libanais les plus influents, entendre les alliés de l’Iran (qui deviennent, de manière détournée, des alliés de … Washington), cherchent à réorganiser les rapports politiques interlibanais. Le Hezbollah et son allié Nabih Berri (Président du Parlement et du mouvement Amal) privilégient une solution médiane :
– garder l’accord de Taëf, pour éviter de froisser les Sunnites et les pro-saoudiens, et pour couper la voie aux extrémistes sunnites,
– revoir l’implémentation de l’accord de Taëf, afin de rassurer les Chrétiens (et leur propre allié Michel Aoun qui, un jour parle de “fédéralisme”, et un jour menace de “sortir du système” comme il l’avait fait lorsqu’il a rejeté Taëf), et
– jouer les coordinateurs, ce rôle que l’occupant syrien jouait, dans son propre intérêt bien évidemment, ce qui leur permet de contrôler l’ensemble du jeu politique, militaire, économique et social, sans en exclure les autres composantes majeures du pays.
A suivre.