MENA-Business: Les Français se mettent, enfin, à l’école anglo-saxonne


Certains, à Paris, doutent de la consistance des succès politiques et commerciaux remportés par la France au Moyen-Orient et auprès de ses partenaires de référence. Pour eux, diplomates et industriels, le positionnement politique et militaire actuel de la France et les contrats majeurs décrochés en Egypte et dans le Golfe sont directement et organiquement liés à l’opportunité qu’offre l’incohérence des politiques américaines et au repli provisoire de la Grande-Bretagne. Ce n’est pas totalement faux. Ces acteurs de la diplomatie des affaires en sont arrivés à douter de la pertinence des choix politiques français, de la pérennité des engagements pris par Paris et ses alliés arabes, et même de l’utilité de saisir des opportunités commerciales aussi importantes soient-elles dans un contexte aussi fluctuant.

Ils se basent dans leur raisonnement, ou leurs interrogations, sur une série de paramètres logiques pour la plupart: (i) la France hypothèque sa politique régionale et la fragilise, en liant ses intérêts stratégiques à ceux d’alliés régionaux “risqués”; (ii) la France se risque dans des aventures politiques et militaires, en jouant sur cette distance qui s’est creusée entre elle et Washington et qui est tout sauf naturelle sur le moyen terme; (iii) les partenaires arabes de la France ouvrent cette fenêtre de tir à la diplomatie française et aux industriels stratégiques, tout en sachant qu’ils devront la refermer dès l’inévitable contre-offensive américaine; (iv) la France doit tirer les leçons de l’expérience irakienne, qui a permis de conclure à la hâte quelques contrats avec Saddam Hussein avant de se retrouver en marge des contrats de reconstruction et en délicatesse aussi avec certains de ses alliés arabes traditionnels.

Pour nos interlocuteurs parisiens, les Britanniques, contrairement aux Français, refusent aujourd’hui de “se lancer dans le vide” en poursuivant, seuls et sans le parapluie américain, leur positionnement politique et économique sur la zone. Cela n’est que partiellement vrai, puisque (i) les Britanniques intensifient leurs efforts pour élargir leur présence économique en Egypte et (ii) que leur machine commerciale ne s’est jamais arrêtée dans le Golfe. Mais il est vrai aussi que les Britanniques se détournent politiquement de la zone, alors que (i) leur gouvernement est absorbé par ses contraintes intérieures, d’une part, et que (ii) le retrait américain, provisoire, leur impose une prise de recul par rapport aux dossiers régionaux, d’autre part.

“Reculer pour mieux sauter” semble être la stratégie actuelle de Londres, en matière de positionnement régional, contre “sauter dans le vide” pour la stratégie française. C’est en tout cas ce qui apparaît aux observateurs, et ce serait d’ailleurs une des principales explications du succès du Rafale en Egypte, au Qatar et peut-être aussi aux EAU. Selon nos interlocuteurs parisiens, faut-il que les Français restent “opportunistes” dans leur approche des marchés, aujourd’hui et provisoirement peut-être, porteurs? Ou faut-il qu’ils renoncent à leur opportunisme qui est loin de leur garantir leurs intérêts sur le moyen et le long termes, et d’adopter la stratégie attentiste des Britanniques?

Ces questions méritent d’être posées, aujourd’hui, alors que (i) Washington s’apprête à vivre un changement d’administration et probablement donc de politique moyen-orientale, que (ii) les évolutions régionales semblent de moins en moins prévisibles, ce qui accroît les risques pour les intérêts français tels que perçus jusque-là, et que (iii) le retour, qui se confirme, de l’Iran, risque d’être un véritable game changer… Mais, les réponses à ces interrogations, encore une fois nécessaires, nous paraissent évidentes : (i) saisir, de manière opportuniste, la fenêtre de tirs qui leur est offerte actuellement, est, pour les Français, logique, et c’est même une obligation; (ii) plancher, dès maintenant, sur un plan B, afin d’espérer transformer cet opportunisme (qui permet, pour revenir au Rafale, ces percées, encore limitées, sur un créneau américanisé) en partenariat durable et soutenu, est un devoir.

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