France – Terrorisme: L’Etat Islamique hésite (encore) à ouvrir le front français


Une série d’attentats terroristes a visé dernièrement la France (dont le dernier et le plus sanglant est celui perpétré le 07/01/15 contre Charlie Hebdo) et les intérêts français à l’étranger (dont l’attentat-suicide contre le Centre Culturel Français le 11/12/14). D’autres attentats anti-français sur le territoire national et à l’étranger, ont été déjoués ces derniers mois, confirmant une confrontation désormais ouverte entre le djihad global et la France. L’Etat Islamique ira-t-il jusqu’à ouvrir “le front français”?

L’Etat Islamique élargit sa base de sympathisants au sein de la communauté musulmane de France comme en témoigne le nombre de djihadistes français en Syrie et en Irak et les candidats français au djihad. La publication d’un magazine en langue française, l’exploitation massive des réseaux sociaux par les djihadistes francophones, sont autant d’indication sur l’intérêt que porte désormais Daech pour la France.

MESP, qui n’a cessé de souligner la menace que représentera le phénomène de retour en France des terroristes partis faire le djihad fi sabil allah au Levant [Syrie: Le djihad au service d’intérêts géopolitiques. Et après?! (Mai 2013)], relevait récemment une série d’indications qui annonçaient une activité nouvelle de l’EI sur le dossier français (tweet du 30/12/14)

La France a choisi la confrontation frontale avec l’Etat Islamique et avec al-Qaëda et ses relais régionaux et locaux, sur l’ensemble de ses zones d’intérêts: en Afrique, du Sahel vers la sud-Libyen, en passant par le Mali et le Niger, et au Moyen-Orient, au Liban, en Syrie, en Irak et dans le Golfe. Alors que les troupes de l’Otan achevaient officiellement leur mission en Afghanistan, la France s’engage sur une multitude de fronts militaires contre l’EI et AQ, comme au sein de la coalition internationale et régionale menée par les Etats-Unis au Levant.

Tout en élargissant son engagement au Sahel et en Afrique du Nord, la France consolide sa place face à l’EI au Levant et dans le Golfe :

(i)                 au Liban, le contingent français de la FINUL élargit sa coopération avec l’Armée libanaise pour contrer la menace de Daech et de Jobhat al-Nosra (AQ), et Paris s’apprête à livrer à Beyrouth de l’armement pour $3md grâce à un financement saoudien; depuis l’implication de citoyens français dans des attentats à Beyrouth, Paris intensifie aussi sa coopération avec les autorités libanaises dans le domaine du renseignement (à noter que des tirs de joie étaient entendus à l’annonce de l’attentat contre Charlie Hebdo, dans le camp palestinien de Aïn el-Héloué, au sud-Liban, et qui abrite des groupes djihadistes dont certains ont prêté allégeance à Daech);

(ii)               en Syrie et en Irak, l’Armée de l’Air française participe aux raids contre Daech et à des missions de surveillance et de renseignement, grâce au déploiement de Mirage et de Rafale en Jordanie et sur la base de Dhafra à Abu Dhabi; les bâtiments de la Marine Nationale déployés en Méditerranée contribuent également à la guerre contre l’EI au Levant;

(iii)             dans le Golfe, où les Forces françaises coopèrent notamment avec les Forces émiraties dans des actions anti-terroristes en Libye et en Syrie, la France fait preuve d’une grande solidarité aussi avec son partenaire arabe de référence, l’Arabie Saoudite, qui est de plus en plus menacée par l’EI et par al-Qaëda, à ses frontières avec l’Irak surtout et celles avec le Yémen: la décision de déployer le porte-avions Charles de Gaulle dans le Golfe, et de l’engager dans les opérations contre Daech, doit être aussi perçue sous cet angle franco-saoudien.

Daech anime des réseaux français, “autochtones”. Ces réseaux, pour les comparer à ceux sollicités par al-Qaëda d’Oussama Ben Laden lors des attentats du 11 Septembre et qui étaient composés de non-Américains, sont des réseaux “français”, bien implantés dans le paysage social en France, et familiers des enjeux internes d’une manière ou d’une autre. Jouer sur les clivages internes est pour eux possible, tout comme l’exploitation des nombreuses failles de la société française… En termes opérationnels, l’EI peut se prévaloir d’un “Desk France” qui lui permet de réaliser un “screening” des plus pertinents du contexte franco-français, afin de tirer le plus grand bénéfice de leurs actes…

Charlie Hebdo, avec l’affaire des caricatures de Mahomet, figure depuis longtemps sur la liste des cibles du djihad global. Daech, qui entend mettre la pression sur la France alors qu’elle élargit son engagement militaire au Moyen-Orient, doit avoir une liste, étoffée nous semble-t-il, de cibles françaises à forts enjeux politiques, médiatiques, économiques, et miliaires. A ce stade, nous pensons que Daech adresse des messages à la France, des messages bien plus violents que les précédents et bien plus stratégiques pour les Français puisqu’ils n’excluent plus désormais le sol national et des cibles hautement symboliques (liberté d’expression). Il ne nous semble pas avoir ouvert, encore aujourd’hui, le front français…

Aujourd’hui, Daech joue le jeu des Américains qui doivent voir dans ce nouvel attentat une invitation à la France pour s’engager encore plus dans la coalition anti-EI. Les Américains ne sont pas les seuls à vouloir enfoncer les Français dans cette guerre qui risque d’être longue et coûteuse: Saoudiens, Iraniens, Russes, et d’autres aussi, se féliciteraient d’une implication militaire française plus grande. C’est au fur et à mesure que cet engagement militaire français contre l’EI et contre le djihad global s’élargit, que Daech sera de plus en plus tenté de riposter contre la France, en France. In fine, une guerre totale et frontale opposerait la France et l’Etat Islamique (et al-Qaëda) au Levant, dans le Golfe, au Sahel et en Afrique du Nord, mais elle ne s’arrêterait plus aux frontières de l’hexagone. C’est le scénario catastrophe auquel la France risque d’être confrontée au cours des prochains mois et au cours des prochaines années.

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