Egypte – France: Le néo-nassérisme profite aux relations franco-égyptiennes


Le coup de force des militaires égyptiens ramène le nassérisme au coeur de la politique extérieure du Caire. Cela se traduit par une diversification, assumée, des partenariats internationaux. Cela signifie l’abandon du monopole qu’exerçait pratiquement Washington pendant plusieurs décennies sur le club des partenaires internationaux de l’Egypte. A l’instar de Gamal Abdel-Nasser, le Président Abdel-Fattah al-Sissi élargit le tour de table des alliés et partenaires internationaux, encouragé surtout par le sort du Président Husni Moubarak qui, en s’enfermant dans un tête à tête avec Washington, n’a pas su se préserver une issue de secours en cas de vents contraires. Après un début de règne difficile, le maréchal Sissi s’est réconcilié avec les Américains, alors qu’il se tournait aussi vers la Russie où il s’est rendu et dont le Président Vladimir Poutine est attendu en début d’année au Caire. Il a poursuivi sa stratégie d’ouverture en se tournant aussi vers la Chine et l’Asie, mais surtout aussi l’Europe et la France.

Tout en consolidant ses liens avec l’axe saoudo-émirati, pour constituer un front arabo-sunnite anti-Frères Musulmans, le nouveau pouvoir égyptien était critiqué, et l’est encore aujourd’hui, pour ses manquements aux pratiques démocratiques et ses abus à l’encontre des sympathisants des FM. Grâce à la couverture arabo-sunnite dont il dispose et aux efforrs qu’il déploie pour assainir les rapports entre le pouvoir politique et les autorités religieuses de l’Azhar, et grâce surtout à son engagement déterminé dans la guerre contre l’Etat Islamique et contre le terrorisme, Sissi relativise ces critiques qui émanent parfois de ses propres alliés occidentaux. La légitimité qu’il s’octroie en faisant se recouper ses propres intérêts nationaux avec ceux des acteurs régionaux (y compris Israël) et internationaux qui comptent, et les ambitions renouvelées de l’Egypte sur le plan régional, replace, progressivement, le régime “néonassérien” au coeur des enjeux régionaux. L’offensive qu’il mène, sur le plan interne et au niveau régional, contre les FM, lui vaut donc des inimitiés auprès des sympathisants internes de la confrérie et de leurs alliés régionaux, ainsi que les critiques qui lui sont adressées au nom des droits de l’homme et de la démocratie. Mais, en faisant jouer ses nombreux points forts, le pouvoir égyptien parvient à retourner les attaques qui lui sont portées par les pays qui ont misé sur les FM, et à contenir les critiques qui lui sont adressées pour violation des fondamentaux démocratiques. Outre sa légitimité arabo-sunnite et son engagement dans la guerre contre le terrorisme, Le Caire fait jouer la stabilité de ses relations avec Israël, et, maintenant, son fort potentiel économique.

Un partenaire comme la France, où le Président Sissi vient de se rendre en visite officielle, est d’autant plus recherché par le nouveau pouvoir égyptien qu’il partage avec lui une série d’intérêts stratégiques, y compris la Libye, et la consolidation de l’axe saoudo-émirati. Les intérêts économiques et les perspectives qu’offre le marché égyptien aux Français sont un argument qui ne peut que rapprocher davantage les deux parties. Cela comprend forcément les secteurs technologiques et ceux de la sécurité et de la défense, surtout qu’il s’agit de secteurs “engageants” pour de tels partenaires. La France, qui ne cesse de manifester la consistance de son outil militaire aux yeux du monde arabo-musulman, offre à l’Egypte cette alternative militaro-technologique qui lui permet de retomber dans le monopole contraignant que proposera toujours Washington. Ce partenariat avec un pays européen comme la France, avancé technologiquement et engagé militairement sur la zone, et qui bénéficie d’un poids non négligeable au sein de la communauté internationale, offre aussi à l’Egypte l’occasion de ne pas subir les contraintes d’un duel idéologique stricte entre Washington et Moscou. Les programmes d’armement majeurs que Le Caire et Paris mènent (programmes navals notamment) ou seront amenés à mener ensemble (modernisation et renouvellement de la flotte d’avions de combat: Mirage 2000 et Rafale), illustrent cette convergence stratégique entre les deux pays. Le soutien, attendu, des alliés arabes de l’Egypte et de la France, principalement Riyad et Abu Dhabi, doit consolider ce partenariat franco-égyptien.

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