Le gaz naturel, qui occupe un volume environ mille fois supérieur à celui du pétrole à pouvoir énergétique équivalent, est acheminé depuis la zone de production jusqu’à la zone de consommation par deux moyens:
– Le transport par gazoduc: Comprimé à haute pression par des stations de compression tous les 150-200 km environ, le gaz est acheminé par des tubes d’acier terrestres ou sous-marins, dont le diamètre varie entre 50 cm et un mètre, à une vitesse d’environ 30 km/heure sur des distances qui peuvent être relativement longues. C’est de loin l’option la plus répandue pour transporter le gaz, car fiable et rentable.
– Le transport par méthanier après liquéfaction: Bien que coûteuse, cette option présente des avantages incontestables dans certains cas, car elle offre une plus grande flexibilité et permet d’acheminer le gaz sur de plus longues distances. Elle permet de surmonter les difficultés liées aux conditions économiques (le coût de la construction d’un gazoduc peut être particulièrement élevé sur de très longues distances), ou aux conditions géographiques ou géopolitiques (qui rendent la construction d’un gazoduc impossible, par exemple traverser l’océan, des zones à risque, ou encore le territoire d’un Etat hostile). Le gaz est traité dans des usines de liquéfaction et refroidi à une température d’environ -160˚C afin de le transformer à l’état liquide. Le volume de gaz est ainsi réduit 600 fois (contre environ 100 fois dans le cas d’un transport par gazoduc). Cela permet donc de transporter de plus grandes quantités de gaz. Le gaz à l’état liquide (ou gaz naturel liquéfié, GNL) est transporté à bord de navires, appelés méthaniers, pour être ensuite déchargé dans des installations spéciales, des terminaux méthaniers, où il sera regazéifié avant d’être envoyé sur les réseaux de distribution.
Les installations et infrastructures de transport nécessitent plusieurs années de construction et coûtent cher. A pouvoir énergétique équivalent, le transport du gaz coûte cinq fois plus que celui du pétrole. Pour un pays producteur, la décision d’acheminer le gaz par gazoduc ou par méthanier dépend de plusieurs éléments: géographique, géopolitique, économique, mais aussi de la quantité des réserves. Alors que le GNL offre plus de flexibilité et permet d’atteindre les marchés lointains (et lucratifs) et de diversifier les clients, l’infrastructure requise est très coûteuse, et nécessite donc des réserves assez larges pour justifier les investissements. A l’échelle régionale, l’acheminement par gazoduc est préférable lorsque cela est possible.
Le progrès technologique permet d’envisager d’autres options. La liquéfaction du gaz en mer, à travers une usine flottante (FLNG), nécessite un investissement bien inférieur à celui requis pour la construction d’une usine terrestre. Le premier exemplaire, Prelude, commandé par Shell, est en construction et devrait être opérationnel en 2017. Le FLNG est l’une des options envisagées par les Israéliens et les Chypriotes pour l’exportation de leur gaz.
Le FCNG (Floating Compressed Natural Gas – Marine CNG) pourrait aussi représenter une alternative, pour transporter le gaz sur des distances moyennes (environ 200 à 2000+ km), un segment du marché du transport maritime qui n’est pas couvert de manière rentable par les gazoducs ou le GNL. Jusqu’à 40% moins chère que le FLNG, il s’agit d’une technologie nouvelle et toujours non testée, qui consiste à transporter du gaz naturel comprimé à bord de navires spécialement conçus à cette fin. Un premier navire, Coselle, a été approuvé pour la construction par l’American Bureau of Shipping. Cela permettrait de “libérer” du gaz offshore “bloqué” soit pour des raisons économiques (des réserves pas suffisamment larges pour justifier des investissements coûteux) soit pour des raisons géopolitiques. La compagnie nationale d’électricité indonésienne (PT PLN) a commandé, en juillet 2014, un premier modèle qui sera construit en Chine, pour transporter du gaz naturel produit à l’est de l’ile de Java jusqu’à l’ile de Lombok. Morgan Stanley, aussi, a déposé, fin août, des plans pour la construction d’une première installation aux Etats-Unis conçue pour exporter du gaz naturel comprimé à bord de navires à destination des caraïbes. Cette option serait également à l’étude côté chypriote, si les quantités de gaz ne justifient pas la construction d’une usine de liquéfaction à Vassilikos, et si le conflit avec la Turquie n’est pas réglé (ce qui écarterait l’option d’un gazoduc reliant l’île à la Turquie et qui acheminerait le gaz vers les marchés turc et européens).
Une version de cet article a été publiée dans le numéro d’Août 2014 du magazine libanais Le Commerce du Levant.