Officiellement, et en attendant les conclusions de l’enquête menée par les autorités françaises, l’attaque contre le convoi du prince Abdulaziz Ben Fahd Ben Abdulaziz, qui se dirigeait du George V au Bourget au soir du 17/08, est “crapuleuse”.
Abdulaziz Ben Fahd, “Azzouza” pour les intimes, fils préféré du défunt Roi Fahd Ben Abdulaziz, n’est pas un prince quelconque. Le jeune prince, fut au coeur du pouvoir saoudien, aux côtés de son père et juste après son décès, et connaît mieux que de nombreux princes les intrigues du palais et les secrets les plus inavouables des Al Saoud. Devenu l’ombre de son père malade à la fin de son règne, Abdulaziz, qui a occupé notamment le poste de Ministre d’Etat, était préparé pour devenir le pivot du clan Fahd, un sous-clan de la puissante branche des sept frères Sudaïris. Il a fallu quelques mois après la disparition de Fahd pour que le jeu du pouvoir mette un terme aux ambitions des fils du roi défunt qui ont perdu l’un après l’autre leurs postes officiels et certains de leurs privilèges.
Abdulaziz qui, sur un plan personnel, se radicalise religieusement après avoir vécu une vie pour le moins joyeuse aux côtés de son protégé et associé en affaires Saad Rafic Hariri, devient une cible facile pour les autres clans et princes, y compris les Sudairis. Il perd donc ses positions officielles, tout comme ses frères, et voit ses accès au palais et aux centres de décision sérieusement limités. En affaires, il perd progressivement d’importantes parts de marchés, et finit par perdre son associé dans Saudi Oger, Saad Hariri. L’ex-Premier ministre libanais, sérieusement déstabilisé suite à l’affaiblissement du clan Fahd, force les portes d’autres clans princiers et est vite récupéré par le palais et par l’entourage du Roi Abdullah Ben Abdulaziz.
Abdulaziz, qu’on a pu soupçonner d’être une des sources du célèbre opposant virtuel Mujtahidd (@mujtahidd), inquiète toujours les autorités saoudiennes, surtout ses cousins les plus en vue qui ne croient pas en sa résignation à lâcher le pouvoir : Mohammad Ben Nayef Ben Abdulaziz, le puissant Ministre de l’Intérieur, Bandar Ben Sultan Ben Abdulaziz, SG du CSN, conseiller spécial et représentant personnel du Roi, Mohammad Ben Salman Ben Abdulaziz, fils et conseiller du Prince héritier Salman Ben Abdulaziz (tous issus du clan des Sudaïris), et Mitaab Ben Abdullah Ben Abdulaziz, fils du Roi Abdullah et Ministre de la Garde Nationale. Il inquiète surtout le très influent dircab du Roi, Khaled al-Tueïjri, avec lequel il a cohabité, bon gré mal gré, pendant sa présence au palais. Ses “dossiers” sont particulièrement étoffés, et son déplacement en France, deux semaines avant la visite officielle du Prince héritier Salman Ben Abdulaziz, peut intriguer.
Abdulaziz Ben Fahd Ben Abdulaziz a été braqué à Paris. Ce n’est, certes, pas une première, ni dans Paris, ni contre des cibles saoudiennes et arabes du Golfe. Dans cette attaque, bien pensée et très bien exécutée, de l’argent liquide (€250.000) a disparu, mais, surtout, des documents “sensibles”. L’Ambassade d’Arabie Saoudite a nié toute implication dans l’organisation de la logistique du prince qui descendait dans l’hôtel de son cousin l’homme d’affaires al-Walid Ben Talal Ben Abdulaziz, président de Kingdom Holding et propriétaire du George V-Four Seasons (un hôtel qui est devenu un point de chute parisien des princes saoudiens et des hommes d’affaires arabes). L’entourage du prince est noyauté par des gardes du corps et des “conseillers” saoudiens et arabophones, dont des Libanais et des Egyptiens. Certains d’entre eux sont directement ou indirectement liés aux services de renseignements saoudiens, et au General Intelligence Directorate. Si l’hypothèse d’un vol crapuleux ne peut être exclue, celle d’un règlement de comptes entre clans saoudiens rivaux ne devrait pas l’être non plus.