L’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL, ISIS, Daesh) n’est toujours pas, officiellement, sur la liste turque des organisations terroristes. Cette liste comprend, depuis quelques jours seulement, Jabhat al-Nusra, filiale régionale d’al-Qaëda sur le sol syrien surtout, et qui est en compétition violente au Levant avec EIIL. Les évolutions militaires dans “le pays sunnite” à cheval entre la Syrie et l’Irak, et la défaite, puisque c’est ainsi qu’il convient désormais de la qualifier, de l’Armée irakienne fédérale, face à EIIL à Ninive et Salaheddin, bouleversent la donne et imposent à Ankara et à ses services de reconsidérer leurs liens avec Daesh.
Ankara, qui partage désormais avec Téhéran la crainte d’une installation durable d’EIIL dans le paysage géopolitique levantin, vient d’accueillir, les 09-10/06, le Président Hassan Rouhani, alors que les deux pays envisagent depuis quelque temps déjà une coopération plus étroite contre le terrorisme. Le rapprochement entre la Turquie et l’Iran serait, à la fois, le résultat de l’émergence d’une force déstabilisatrice et incontrôlable incarnée par EIIL, et le déclencheur de cette vaste opération militaire menée par Daesh afin d’imposer un fait accompli dans le pays sunnite ainsi sorti de Sykes-Picot.
La Turquie, dont les services noyautent depuis longtemps EIIL, en appelle désormais à l’Otan et à l’Iran pour contrer cette menace. L’Iran, dont les services ont eux aussi manipulé, directement ou via les services syriens ou russes alliés, certaines tendances de Daesh, se retrouve, de facto, dans le camp américain dans cette guerre inédite contre le terrorisme takfiriste. La situation est singulière, en effet, voire curieuse… Califat au Levant, partition des Etats, fitna confessionnelle globale…
Curieusement donc, c’est devant ces menaces communes, qui n’épargnent pas les intérêts fondamentaux des puissances régionales qui comptent, et alors que les puissances internationales se désengagent de la région, qu’un front moyen-oriental hétéroclite émerge. Pour qu’il soit efficient, et pour contrer ces menaces communes, ce front, dont ne devraient pas être exclus non plus les Saoudiens, les Kurdes ni les Israéliens, a besoin, impérativement, d’un parapluie international. Le parapluie américain ne devrait pas suffire à lui seul, ni même celui que pourrait offrir l’Otan. Le parapluie russe paraît, ici, indispensable.