Alors que le conseiller diplomatique du Président français François Hollande, Emmanuel Bonne, rencontrait l’ami personnel du Président syrien Bachar el-Assad, l’ancien Ministre libanais Slaïman Frangieh, Assad adressait, via l’AFP (20/01), ses plus vives critiques à la France qu’il a qualifiée de “vassal” de l’Arabie saoudite et du Qatar. Ils ne sont pas rares ceux qui, à Paris, partagent ces critiques, lorsqu’il s’agit d’évaluer certains aspects opaques et parfois incohérents, du partenariat franco-saoudien et franco-qatari…
Bonne, qui conseille Hollande sur les questions du Moyen-Orient, a fait le tour des responsables libanais, rencontrant les personnalités qui comptent, de tous bords, y compris le responsable des relations extérieures du Hezbollah Ammar Moussaoui. Les enjeux sont nombreux, et personne, ou presque, à Beyrouth, ne doute de la sincérité des intentions françaises à l’égard du Liban. Malheureusement, ce ne sont pas les intentions qui comptent, dans ce cas, mais bien les actions de la France et surtout, surtout, leurs conséquences.
Le Président Hollande, qui a soutenu la rébellion syrienne dès le début, jusqu’à engager la machine de guerre de la France, avant de se rétracter, pris de court par la haute diplomatie américaine, s’est vite retrouvé dans un duel avec Assad. Même lorsque dans son discours devant les Ambassadeurs, il affirme ne pas devoir choisir entre une dictature et le terrorisme, Hollande se retrouve, de facto, en train de favoriser une opposition armée violente radicale et djihadiste. Avant de se rétracter, là encore. Ainsi, il aurait fait d’une pierre deux coups, choisissant d’aider, indirectement, et la dictature Assad et le djihad global.
A la veille de la conférence de Genève 2, la France, qui s’est ouverte entre-temps sur l’Iran et sur le Hezbollah, et dont un haut responsable du Quai d’Orsay et des officiers de renseignement auraient repris langue avec les autorités syriennes, s’inquiète, tardivement, des effets contraires de sa politique syrienne:
(i) les chances, réelles, de survie de la dictature Assad que Hollande s’était juré, avec son partenaire “de référence” saoudien de renverser, et (ii) les risques, tout aussi réels, du retour des djihadistes franco-européens en France et dans les pays de l’UE (le Ministre français de l’Intérieur Manuel Valls confirme la participation de plusieurs centaines de Français ou de personnes résidentes en France, au djihad global en Syrie).
La tournée libanaise de M. Bonne était axée sur:
(i) le respect des échéances constitutionnelles (élection présidentielle, mai 2014),
(ii) la constitution d’un nouveau gouvernement (pour préparer notamment cette échéance présidentielle), et
(iii) la sécurité et la stabilité du Liban (c’est dans ce cadre que s’inscrit l’aide militaire franco-saoudienne de $3md).
Elle intervient après celle du Ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, et avant Genève 2 donc, et alors que le Liban est sous tension.
Au cours de cette visite donc, le conseiller MENA de l’Elysée aura fait le tour de la question, en s’informant auprès de toutes les parties libanaises. On espère à Beyrouth que ce dynamisme français servirait, quelque part, à accompagner la cohabitation, même forcée, qui s’annonce entre Saoudiens et Iraniens au Liban, une cohabitation plus que nécessaire pour espérer éviter le basculement du pays dans le chaos…
Maintenant qu’il a recueilli les avis, fort contradictoires sans aucun doute, et certainement trop subjectifs, le conseiller présidentiel doit faire sa note diplomatique au Président… S’il n’a pas compris la problématique libanaise, c’est tout à fait normal. Mais s’il pense l’avoir comprise, en écoutant les contradictions qu’il a dû écouter à Beyrouth, c’est qu’on a dû mal lui expliquer…