Alors que le Président français François Hollande arrivait en Arabie saoudite pour une visite de deux jours, son homologue libanais Michel Slaïman annonçait, lors d’une déclaration solennelle retransmise à la télévision au soir du 29/12, une aide saoudienne de $3md au Liban destinée à l’Armée libanaise. En remerciant “de tout cœur” le Roi Abdullah Ben Abdulaziz pour son aide à l’Armée nationale, le Président libanais précisait que cette aide financera des programmes français au profit de l’Institution militaire. Il s’agit d’une opération tripartite franco-saoudo-libanaise destinée à fournir une aide consistante à l’Armée libanaise, qui profitera aux industriels français et qui consolidera surtout l’influence de la France au Liban ou l’influence franco-saoudienne pour être plus exact.
L’Armée libanaise est engagée sur de multiples fronts, aux frontières et à l’intérieur. Elle est confrontée à des menaces permanentes, multiformes et grandissantes : la stabilisation de la frontière sud avec Israël, en collaboration avec la FINUL, la surveillance et le contrôle d’une frontière poreuse avec la Syrie, les tensions communautaires grandissantes, le terrorisme islamique, la criminalité organisée, etc. Sur le plan politique, sa doctrine est mise sous épreuve par la présence d’une force paramilitaire, puissante et autonome: le Hezbollah, une organisation, aujourd’hui engagée en Syrie, mais qui n’exclut pas, à terme, de contribuer à la refonte de la stratégie de défense nationale. Pour le moment, le Hezbollah, chiite et pro-iranien, reste en marge, pratiquement, de la réflexion sur l’élaboration de la nouvelle stratégie de défense, ses priorités immédiates et les enjeux géopolitiques régionaux limitant sa marge de manœuvre à ce niveau.
C’est dans ce contexte que l’Arabie saoudite, ennemi déclaré du Hezbollah, décide son aide au profit de l’Armée libanaise, ce qui risque d’alimenter certaines susceptibilités chez les chefs de l’organisation chiite. Il n’empêche que le partage des rôles actuel, de facto, entre l’Armée et le Hezbollah, et une série d’autres facteurs joueront en faveur d’un accueil favorable d’une telle aide franco-saoudienne au profit de l’Armée. Cette aide devra donc faire l’unanimité auprès des Libanais, même si, toutes les parties ne la perçoivent pas forcément sous le même angle. En résumé, une telle aide, qui doit s’ajouter à d’autres programmes d’aides en cours ou projetés, contribuera à renforcer l’Armée nationale, face au Hezbollah pour le camp pro-saoudien, face aux courants takfiristes pour le camp chiite. Pour ceux qui rejettent cette réflexion binaire, ces aides aideront à renforcer la sécurité et la souveraineté du pays, et à replacer l’Armée nationale officielle au cœur de la stratégie de défense.
Dans son discours télévisé, le Président Slaïman, ancien commandant de l’Armée libanaise qui a su ménager les intérêts de l’Institution militaire sous l’occupation syrienne et lors de la montée en puissance du Hezbollah, est revenu sur le plan quinquennal établi par le commandement d’Armée avec un budget de $1,6md. Selon lui, ce programme peut bénéficier, outre de budgets propres à l’Etat, d’aides extérieures collectives, comme celles attendues à l’occasion de la réunion qui se tiendra en mars 2014 à Rome pour coordonner de telles aides, ou d’aides émanant de pays amis (on pense aux Italiens, aux Britanniques et aux Américains qui annoncent l’arrivée, le 30/12, d’un nouveau lot d’aides à l’Armée). Le Président n’a pas manqué d’évoquer de possibles initiatives émanant de la société civile libanaise.
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