Le printemps arabe version syrienne s’est vite transformé en djihad global, étouffant l’islam politique renaissant en Syrie, version Frères Musulmans. L’aile la plus radicale du régime syrien, un régime allié de Téhéran et soutenu par les franges les plus engagées du chiisme militant au Liban et en Irak, s’est vite retrouvée confrontée au djihad global d’al-Qaëda et à ses multiples filiales. Damas a résisté, alors que la rébellion légitime s’écrasait devant des djihadistes canalisés vers la nouvelle “ard al-nusra” syrienne, jusqu’à ce que les changements intervenus simultanément, à plusieurs niveaux (Iran, Qatar, Egypte, Turquie, etc.), viennent stabiliser le schéma.
Les batailles militaires et les attentats qui se multiplient à travers la Syrie, auxquels on tient à donner l’étiquette de “stratégiques”, ne sont plus, en fait, que des opérations tactiques dans le sens le plus banal. Des batailles résiduelles en quelque sorte. Mieux encore, et si l’on anticipe les arrangements qui se préparent, on peut déjà y voir des batailles préventives menées par le régime et ses alliés, au nom d’une coalition complexe qui doit encore être montée, contre un ennemi commun clairement identifié : al-Qaëda.
En effet, le mot d’ordre aujourd’hui est double : (i) réorganiser le pouvoir politique en Syrie avec, probablement, des compromis imposés au régime des Assad et à l’Opposition légitime, et (ii) contrer la montée en puissance d’al-Qaëda au Levant en isolant l’Etat Islamique d’Irak et du Levant (EIIL) et Jabhat al-Nusra et en constituant un front “levantin” pour y faire face.
Genève II, qui incarnera tous les compromis, même ceux qui étaient inimaginables il y a de cela très peu de temps, sera placé sous le double signe de la modernisation du système politique syrien et de la lutte contre le terrorisme. Tous les acteurs y seront associés, y compris l’Iran et l’Arabie saoudite, les Américains, les Russes, les Turcs, et les Européens. Les scènes irakienne, syrienne, libanaise et palestinienne seront concernées par la confrontation frontale qui s’annonce dure et violente entre une coalition hétéroclite, et impensable il y a peu, et al-Qaëda.
Middle East Strategic Perspectives n’exclut pas de trouver, un jour ou l’autre, Syriens et Américains, dans les mêmes tranchées face à al-Qaëda [lire notre analyse Syrie: Al-Qaëda: Les drones US pour finir le travail de Bachar el-Assad? publiée le 17 mars 2013]. C’était il y a quelques mois. Aujourd’hui, nous pensons à une coalition internationale et régionale, pilotée par Washington et Moscou, et qui s’engagerait dans une guerre totale contre al-Qaëda sur un théâtre d’opération allant de l’Irak vers le Liban, en passant par la Syrie et les camps palestiniens.
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