Quelques heures seulement après avoir accusé, ouvertement, live sur les chaînes de télévision alliées et engagées, l’Arabie saoudite d’être derrière la nouvelle vague de violence dans l’espace géopolitique chiite, le SG du Hezbollah Hassan Nasrallah perdait un de ses chefs militaires les plus importants : Hassan Laqqis. L’assassinat, salué par les Israéliens seulement sous son angle professionnel et “clean”, est immédiatement attribué, par le Hezbollah et l’Iran, à Israël. Les Israéliens nient leur implication dans l’assassinat de celui qui est présenté, avec insistance, par son propre camp, comme étant une cible stratégique pour l’Etat hébreu. Laqqis est présenté, officiellement, comme un leader mujahidd, alors que les rumeurs, attisées par son propre camp, font de lui le chef de la guerre électronique, le coordinateur de l’arsenal balistique, l’officier de liaison entre les combattants du Hezbollah et l’état-major militaire syrien, l’architecte de la victoire, stratégique, à al-Qussaïr. Ce proche du chef militaire Imad Moughniyé, dont l’assassinat, à Damas, est attribué à Israël, est une cible prioritaire et stratégique pour les Israéliens. Sans aucun doute.
Nos interrogations portent sur le timing d’un tel assassinat, alors que le front israélien est stabilisé avec le Liban et l’axe syro-iranien, et alors que le front saoudo-iranien, en Irak, en Syrie et au Liban, s’enflamme. Cet assassinat, d’un proche de Hassan Nasrallah, qui intervient après le double attentat-suicide contre l’Ambassade d’Iran à Beyrouth, le 19/11, est revendiqué par un groupe islamiste sunnite de Baalback. Il coïncide surtout avec les tiraillements internes, à Riyad et à Téhéran, ou avec ce partage des rôles dangereux entre faucons et colombes saoudiens et iraniens, sur le recentrage des politiques iraniennes et saoudiennes sur les scènes levantines.
A Riyad, le chef de l’Intelligence Service le prince Bandar Ben Sultan Ben Abdulaziz, qui vient de reprendre le chemin de Moscou pour tenter de mieux intéresser les Russes à ses projets et points de vue sur les dossiers brûlants (Iran, Irak, Syrie, Hezbollah, Egypte, terrorisme, énergie), incarne l’aile radicale du pouvoir, celle qui entend poursuivre et intensifier l’engagement avec les Iraniens. A Téhéran, les Pasdarans, interlocuteurs quasi-exclusifs du Hezbollah et de son aile militaire, peuvent, eux aussi, agir pour manifester leurs capacités de nuisance, dans le contexte actuel. Hassan Nasrallah pense aux Saoudiens en cherchant à identifier les responsables des attentats anti-chiites en Irak, les parties derrière les réorganisations des forces djihadistes engagées en Syrie (les noms de dizaines de ressortissants saoudiens tués dans les combats en Syrie, dont au moins un ou deux officiers, circulent sur la toile), et les commanditaires de l’attentat anti-iranien à Beyrouth. Sur ce dernier dossier, l’Iran officiel a voulu tempérer les accusations anti-saoudiennes, alors que le Président Hassan Rouhani tente une ouverture diplomatique en direction des monarchies arabes du Golfe, accusant Israël d’être responsable de cet attentat. A Beyrouth, les pro-iraniens et les pro-syriens coupent la poire en deux, et tiennent à y voir le résultat d’une collaboration saoudo-israélienne. Maintenant, avec l’assassinat de Hassan Laqqis, on tient à accuser Israël, tout en pensant aux Saoudiens. A suivre.