Au Moyen-Orient, l’actualité des drones est dense. Le drone est bien ancré dans le quotidien des populations, qui vivent au rythme des “drones tueurs” ou des “drones espions” qui survolent leurs régions en permanence, alors que tous les pays de la région qui peuvent se le permettre, pour des raisons financières surtout, mènent ou projettent des programmes de drones.
Pas que les Etats d’ailleurs : le Hezbollah libanais pro-iranien exploite ce créneau, dans ses opérations tactiques et dans sa recherche d’un semblant d’équilibre stratégique avec Israël, et des renseignements récents confirment l’intérêt que porte al-Qaëda pour ces systèmes. Le Hezbollah, dont les populations vivent au rythme des survols de drones israéliens au-dessus du Liban, bénéficie du soutien technologique et opérationnel de l’Iran dont les ingénieurs confirment une certaine maîtrise de la technologie des drones de surveillance. Al-Qaëda, qui n’a pas de systèmes opérationnels connus, aurait son programme de drones, encore balbutiant aujourd’hui.
Tous les pays de la région n’ont donc pas les moyens d’exploiter ce créneau, et doivent se contenter de moyens de surveillance plus classiques (les Cessna pour le Liban par exemple) ou de la contribution directe de pays amis pour combler cette faille. Ceux qui en ont les moyens, ont des ambitions variées, allant de l’exploitation de simples drones de surveillance dotés de capacités minimales, à l’emploi massif de drones dans l’ensemble des domaines possibles aujourd’hui : surveillance des frontières, renseignements et C4I, sécurisation de sites sensibles, lutte contre le terrorisme, opérations militaires, etc. La fabrication locale de drones est à l’ordre du jour pour plusieurs de ces pays qui entendent en profiter pour drainer des transferts de technologies vers leurs industries.
Souvent aussi, le drone devient pour les Etats de la région, une manifestation de puissance, et de prestige même, et un outil d’influence politique, aussi bien régionale qu’interne. Sur ce dernier point, il n’est pas rare de trouver dans un même pays, plusieurs programmes parallèles de drones, lancés par deux ou plusieurs parties qui peuvent être en compétition politique entre elles. L’exemple de l’Arabie saoudite est, dans ce cadre, intéressant : plusieurs programmes de drones, de diverses natures, sont lancés, simultanément, par le Ministère de la Défense, le Ministère de l’Intérieur, le Ministère de la Garde Nationale.
L’actualité des drones est donc intense dans le monde arabo-musulman qui vit au rythme des violations des espaces aériens et de la souveraineté des Etats arabes et musulmans par des pays amis ou ennemis, au nom de la guerre contre le terrorisme, et au nom de la recherche d’une sécurité maximale dans son sens le plus ambigüe. Pakistan, Afghanistan, Irak, Yémen, Corne de l’Afrique, Méditerranée orientale, Libye, Sahel, etc., sont les théâtres d’opérations quotidiens pour les drones américains surtout, mais pas seulement, pilotés de loin (Etats-Unis, Europe) tout en étant basés tout près…
Des Etats sollicitent les drones alliés, comme c’est le cas aujourd’hui de l’Irak du Premier ministre Nouri al-Maliki dont ses forces bénéficient du soutien opérationnel des drones américains dans leurs opérations contre al-Qaëda, et qui vient de demander à en acquérir plusieurs exemplaires. Les interventions des drones, américains de surcroît, au Yémen par exemple, mettent une pression accrue sur les autorités politiques, en dépit de leur utilité avérée sur le plan militaire. Des pays de la région se tournent vers d’autres partenaires en matière de drones, pour une multitude de raisons dont des raisons politiques et de souveraineté, comme c’est le cas de l’Algérie qui, après s’être approvisionné en drones auprès de l’Afrique du Sud, choisit aujourd’hui de se doter de drones chinois. D’autres pays de la zone, dont l’Iran, la Turquie et bien évidemment Israël, accordent une importance cruciale au développement local de leurs drones et à leur autonomie en la matière.
Sans trop s’attarder sur les programmes de drones de ces divers pays, des programmes extensibles en fonction des moyens et des besoins, Middle East Strategic Perspectives, qui décide de dédier une rubrique aux Drones au Moyen-Orient [Middle East Drones], constate un dénominateur commun chez l’ensemble des pays clients : la place, grandissante, qu’occupe le drone dans le choix des partenaires stratégiques. En effet, pour ces pays, notamment les pays arabes (Arabie saoudite, Emirats Arabes Unis, Irak, Algérie, Libye, etc.), un partenaire extérieur doit, pour être crédible, maîtriser la technologie de toute la panoplie de drones. C’est en train de devenir, aux yeux des dirigeants arabes, la garantie d’un partenariat stratégique, avec une puissance crédible sur les plans militaire, technologique et industriel. D’autres facteurs, bien plus complexes, entrent en jeu, bien évidemment, pour déterminer de tels partenariats, mais la place qu’occupe le drone, en tant qu’enjeu de puissance stratégique, militaire, technologique et industrielle, n’est pas inintéressante à relever.
Ainsi, un pays qui possède son autonomie industrielle pour doter ses forces armées et éventuellement celles de ses alliés en drones de surveillance et en drones armés, et surtout en drones de combat à l’avenir, est, aux yeux de ces dirigeants du Moyen-Orient, un pays crédible, comme partenaire. A défaut de maîtriser cette technologie, ces partenaires seraient diminués par comparaison à d’autres puissances avancées dans ce domaine. Cela n’est pas sans rappeler l’épisode des avions de combat, il y a quelques décennies, lorsque les partenaires internationaux pouvaient être classés en fonction de leurs flottes d’avions avancés et surtout en fonction de leur R&D en la matière. A Dubai Air Show, l’intérêt des clients arabes pour les drones, et pour les programmes de drones en cours de développement, sera encore plus évident cette année.
[box style=”rounded” border=”full”]MIDDLE EAST DRONES
Drones have become a constant reality in the Arab and Muslim world. Their presence is widespread and expanding, covering surveillance, intelligence, combat missions, border security, protection of sensitive sites etc.
Military commanders and strategists in the region are increasingly integrating drones as an essential component of their defense and internal security strategies. Reflecting at the same time national prestige and the strength of their relation with international partners, unmanned aerial vehicles are becoming a necessary element in military and strategic balance of power, fueling a drone-race across the region.
For exporting countries, drones have become an essential element in an overall strategy aiming to build partnerships, and thus influence, in the region. They boost credibility and symbolize strategic weight, military capacity and technological innovation. From a Middle Eastern perspective, a drone producing country can be a credible strategic partner.
Middle East Strategic Perspectives is monitoring the drone-race in the Middle East in a section specially dedicated for this purpose.[/box]