En annonçant, le 04/09, en marge du G20, sa décision de ne pas livrer les S-300 à la Syrie et surtout l’intention de Moscou de vérifier l’emploi ou non du gaz sarin par le régime syrien, le Président russe Vladimir Poutine pense accélérer l’ouverture de discussions sur la crise syrienne et la tenue de Genève 2. Le déploiement de S-300 aurait neutralisé, en bonne partie semble-t-il, la menace d’une frappe de missiles contre les sites stratégiques du régime, et limité la portée et l’utilité de l’expédition punitive que Washington et la communauté internationale entendent mener contre Damas. Moscou maintient ainsi cette épée de Damoclès, militaire, au-dessus du régime, et refuse de ce fait de discréditer la menace de Washington et Paris contre Bachar el-Assad.
En n’excluant pas l’emploi de l’arme chimique par le régime syrien contre les populations civiles, et en souhaitant faire des vérifications avant de se prononcer sur cette question, Moscou accentue la pression, politique et diplomatique, sur le régime syrien. Poutine refuse ainsi de cautionner, à l’aveugle, les agissements de Bachar el-Assad. C’est, à l’évidence, une question de timing. Rester mobilisé et engagé face à Washington et ses alliés, et rester ferme et menaçant même vis à vis de Damas, est le but de cette nouvelle manœuvre russe. Suffisamment engagé aux côtés de l’axe syro-iranien et suffisamment ferme à l’égard de ce même axe, pour amener à la table des négociations, maintenant, les diverses parties: Washington et ses alliés internationaux et régionaux, l’Opposition syrienne, le régime Assad et ses alliés iraniens.
Cette manœuvre, judicieuse, n’offre aucune garantie contre des frappes punitives, limitées, menées par Washington et Paris avec les encouragements de leurs alliés régionaux et syriens, contre le régime. Washington et Paris auront le plus grand mal à reculer, en effet, pour une multitude de raisons, internes et internationales. D’ailleurs, pour Moscou, des frappes, limitées, qui ne provoquent pas un renversement du régime, seraient même utiles pour réussir ses manœuvres diplomatiques visant à imposer le recours rapide à Genève 2. L’Iran est supposé jouer le jeu de la Russie, et contenir l’impact, politique, de telles frappes, limitées. Le Hezbollah aussi.
Mais quelles garanties peut-on réellement obtenir? Une fuite en avant de la part du régime syrien est un risque réel au stade actuel, avec le risque de l’emploi excessif de la violence sur le terrain en représailles. Tout comme la tentation de voir Israël entrer en scène, au Liban, dans le Golan, ou directement en Syrie. Ou encore, une décision prise par l’axe radical au sein des Pasdarans et du Hezbollah de réagir, à des frappes franco-américaines limitées, contre les intérêts de Paris, de Washington, de Tel-Aviv, et de leurs amis et partenaires, sur une multitude de théâtres d’opérations qui dépasseraient le seul cadre syrien et levantin… Certains, à Paris, Washington et Tel-Aviv, misent sur une absence de réactions aux éventuelles frappes franco-américaines. D’autres, au sein de l’Opposition syrienne et dans le camp hétérogène des faucons anti-Assad, ont tendance à appeler de leurs vœux une réaction à grande échelle de la part de l’axe syro-irano-Hezbollah. Nous pensons qu’il y aura une réaction. Une réaction limitée, à une action limitée. Mais une réaction qui viserait, possiblement, le maillon faible français… Une sorte de dommage collatéral qui n’empêcherait pas Moscou d’imposer, in fine, son tour de table genevois.