Le hasard du calendrier religieux et politique aurait dû permettre au nouvel Emir du Qatar de commencer son règne en envoyant un double message de courtoisie à l’Arabie saoudite et à l’Iran. Finalement, et après une longue réflexion, il s’est rendu en visite officielle en Arabie saoudite, mais sous une couverture islamique en effectuant le traditionnel pèlerinage de l’omra. Le Roi Abdullah Ben Abdulaziz, malade et affaibli, lui a rendu le geste en le recevant en marge de sa visite aux lieux saints. D’autant que Tamim avait pris la décision de ne pas se rendre personnellement à la cérémonie d’investiture du Président Hassan Rouhani, alors qu’il y était attendu. A cette occasion iranienne donc, l’Emir du Qatar s’est fait représenter à la cérémonie d’investiture du nouveau Président par un de ses plus proches ministres Hamad Ben Abdulaziz al-Qawari.
Cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani, qui avait reçu à Doha fin juillet l’Emir de Dubaï et vice-Président des EAU cheikh Mohammad Ben Rached Al Maktoum, entretient avec la classe dirigeante saoudienne de bons rapports personnels qu’il devra mettre à profit afin d’améliorer les relations politiques affectées par des rivalités sur des dossiers sensibles et par des divergences sur l’islam politique et le soutien aux Frères Musulmans notamment. Tamim donne la priorité, au niveau arabe, à la stabilisation des relations entre son émirat et les deux Etats membres du CCG, les EAU et, surtout, l’Arabie saoudite. Cela passe forcément par une réévaluation de la politique islamique de Doha et de son soutien direct et solide à l’organisation des FM. Sur ce dossier, les mesures concrètes se font attendre, mais cheikh Tamim aurait pris des engagements devant les dirigeants émiratis et saoudiens afin d’harmoniser les diverses positions à l’égard de l’islam politique prôné par les FM.
Avec l’Iran, où son père l’ex-Emir Hamad Ben Khalifa Al Thani s’est rendu à deux reprises officiellement au cours des dernières années, cheikh Tamim hérite de contentieux importants, et doit gérer, en urgence, une série de dossiers brûlants. Il a manqué le rendez-vous de l’investiture de Hassan Rouhani, en se faisant représenter à la cérémonie par son Ministre de la Culture. Là aussi, l’avancée est lente, y compris sur le dossier syrien malgré une certaine satisfaction iranienne visible devant le repli constaté des Qataris, et les promesses prises par la nouvelle direction qatarie ouvrent la voie à une réorganisation des relations bilatérales.
Pour le nouvel Emir du Qatar, qui doit encore gérer son agenda international et faire le choix, stratégique, de la destination de sa première visite officielle, les enjeux externes et internes imposent une réorganisation urgente et prioritaire de ses relations arabes et islamiques. L’ouverture, faite au début de son règne, sur Riyad surtout et dans une moindre mesure sur Téhéran, et qui doit encore être consolidée, y contribuera forcément. L’Emir Tamim doit encore approfondir sa coopération avec les Saoudiens et les Iraniens sur les dossiers sensibles, sans prendre le risque de se retrouver en porte à faux vis à vis ses priorités internes, arabes, islamiques et internationales. Cela nécessite une extrême déxtérité, et un pragmatisme qu’il semble posséder. Il devrait renoncer à l’aventurisme du tandem Hamad Ben Khalifa et Hamad Ben Jassem, cet aventurisme qui a permis quand même au Qatar de réussir son positionnement régional et international. Le nouvel Emir pense-t-il pouvoir n’en retenir que ce qui est bon, pour rejeter ce qui en est le plus mauvais? A suivre.