L’Armée libanaise a arrêté, le 14/07, cinq éléments du groupe radical terroriste Jobhat el-Nosra. Selon les premières informations véhiculées par les médias locaux, l’arrestation a eu lieu sur la voie d’accès vers Baalbeck, un des fiefs du Hezbollah. Le groupe, une mini brigade internationale, comprend deux Syriens, deux Palestiniens et un Libanais. Les personnes arrêtées auraient des postes de responsabilité au sein du groupe terroriste. Leur arrestation, dans une région frontalière au Liban, intervient alors que la pression du régime syrien contre les groupes terroristes croît (bataille d’al-Qoussair), et alors que l’Armée Libre de Syrie décide d’ouvrir un nouveau front contre les groupes djihadistes dont Jobhat el-Nosra (qui vient d’assassiner un haut gradé de l’ALS). L’identification des éléments arrêtés par l’Armée libanaise comme étant des responsables de Jobhat el-Nosra suggère une volonté officielle libanaise de reconnaître, enfin, la présence organisée sur le sol libanais de groupes takfiristes.
L’Armée libanaise choisit d’étouffer dans l’oeuf les projets d’installation dans les régions sunnites (Arsal, Tripoli, Denniyé, Saïda, camps palestiniens, etc), de bases-arrières pour les groupes combattant le régime alaouite en Syrie. Cela lui vaut les critiques, pour le moins incohérentes, d’une classe politique sunnite débordée par un militantisme radical inquiétant, alors qu’on constate un soutien de plus en plus grand au sein des populations chrétiennes, chiites et druzes, à l’action de l’Armée contre les groupes salafistes djihadistes et les groupes terroristes. Sachant que l’implication, assumée, du Hezbollah, chiite pro-iranien, dans la guerre aux côtés de Bachar el-Assad, ne cesse d’être exploitée afin d’expliquer et de justifier les réserves et les critiques contre l’Armée libanaise, jusqu’à faire oublier parfois les vraies raisons de cette nouvelle campagne contre l’Institution militaire.
Les développements actuels dans le monde arabe et sur la scène islamique (Egypte, Frères Musulmans, etc.), le repli constaté du Qatar sur le dossier syro-libanais au profit de l’Arabie saoudite, les hésitations de plus en plus grandes de la communauté internationale à armer les groupes radicaux sunnites engagés en Syrie (qui profitent des largesses de donateurs arabes, privés et étatiques), coïncident avec l’émergence de tensions nouvelles au sein de l’Opposition syrienne dont la crédibilité s’effrite, et avec les accrochages meurtriers entre l’ALS et Jobhat el-Nosra. Tout cela profite au régime de Bachar el-Assad en premier lieu et à ses soutiens et relais internationaux et régionaux. Cela profite aussi d’une certaine façon au Hezbollah qui voit dans la crainte de Washington à l’égard des takfiristes de Jobhat el-Nosra (groupe inscrit, comme le Hezbollah, sur la liste américaine des organisations terroristes) une justification de ses actions préventives à Qoussaïr contre l’avancée de l’idéologie takfiriste vers le Liban.
Sur ce même axe anti-Jobhat el-Nosra, virtuel mais dont l’impact sur le terrain devient réel et visible, on retrouve le régime syrien et ses soutiens internationaux (Russie) et régionaux (Iran), le Hezbollah et ses alliés locaux (la base chiite et une frange des populations chrétiennes), l’Armée libanaise avec les encouragements de plus en plus évidents de ses partenaires internationaux (Etats-Unis principalement), et les Etats-Unis eux-mêmes… Cet ensemble, impensable, poursuit, tactiquement, un même objectif : combattre al-Qaëda, les takfiristes (même si la rhétorique du Hezbollah et du camp pro-syrien utilise toujours, pour des fins de propagande, le terme d’axe américano-sioniste-takfiriste), et Jobhat el-Nosra, en Syrie et au Liban.
Au Liban, où des actions sporadiques anti-Hezbollah (pour ne pas dire anti-chiites) sont attribuées à Jobhat el-Nosra, l’Armée libanaise cherche, avec le soutien de ses partenaires internationaux, à éviter le scénario catastrophe d’une confrontation frontale entre Sunnites (entendre entre Jobhat el-Nosra et ses sympathisants syriens, palestiniens et libanais) et Chiites (Hezbollah-Amal). La traque de Jobhat el-Nosra s’intensifie en Syrie, où le groupe constitue la cible privilégiée du régime et des combattants du Hezbollah, et où les éléments takifiristes font désormais l’unanimité contre eux, y compris au sein de l’ALS et des populations civiles. Cette traque du groupe terroriste et de l’idéologie takfiriste s’étend maintenant jusqu’au Liban, avec tout ce que cela suppose comme risques sécuritaires supplémentaires.