L’intervention des troupes d’élite du Hezbollah aux côtés de l’Armée syrienne a contribué à modifier, à partir d’al-Qoussair, le cours des opérations militaires, et de la guerre même, en Syrie. L’axe syro-iranien poursuit ses gains sur le terrain, sous un parapluie russe habilement déployé au-dessus de Damas, alors que les négociations se préparent en vue d’une sortie de crise à Genève 2.
Le camp opposé se devait de réagir, sur le terrain, pour mieux négocier. La réunion, le 22/06 à Doha, des amis de la Syrie, s’inscrit dans ce cadre, et ouvre la voie à une nouvelle escalade militaire sur les multiples fronts syriens, y compris le front des attentats suicides en plein cœur de Damas (malgré les réserves, maladroites, répétées par les dirigeants occidentaux contre l’engagement de plus en plus visible, de groupes djihadistes radicaux et violents aux côtés des rebelles).
La Syrie s’enflamme donc, le régime et ses alliés cherchant à poursuivre autant que possible leurs gains sur le terrain, et leurs adversaires cherchant à rétablir un pseudo équilibre tactique et ponctuel qu’ils auront à transformer à Genève 2 (si la conférence se tient finalement) en acquis stratégiques. Le blocage de la situation sur le front diplomatique pourrait signifier davantage de violences et un élargissement des théâtres d’opérations, en Syrie et au-delà.
Les aides décidées à Doha au profit des insurgés, alors que le front jordanien s’organise avec le déploiement de troupes américaines et alliées, font partie du scénario visant à améliorer les termes des négociations des anti-Assad. Cela passe donc, forcément, par une nouvelle escalade en Syrie, comme indiqué précédemment, mais aussi par des pressions supplémentaires sur le Liban.
Avec plusieurs centaines de milliers de réfugiés et l’installation dans des zones de non droit à travers le pays de milliers de combattants de l’Armée Libre de Syrie et de salafistes djihadistes, le Liban est aujourd’hui particulièrement fragilisé. Les clivages confessionnels alimentés par le conflit militaire qui se radicalise en Syrie, mettent en péril la stabilité du Liban qui repose, encore aujourd’hui, dans les faits, sur une seule institution: l’Armée libanaise. C’est justement cette institution qui est maintenant au cœur des tensions.
Les provocations à son encontre se multiplient de la part des milieux radicaux sunnites et de leurs réservoirs de militants syriens et palestiniens, de la Béqaa (agressions à Arsal, fief du radicalisme sunnite dans un milieu chiite favorable au Hezbollah), à Tripoli (où s’affrontent salafistes anti-Assad et alaouites pro-régime, sur le modèle syrien, et où l’Armée est directement visée par les combattants salafistes), jusqu’à Saïda (où les accrochages, le 23/06, entre les groupes salafistes de cheikh Ahmad el-Assir appuyés par des groupuscules djihadistes terroristes dans le camp palestinien d’Aïn el-Héloué, dont Jund el-Sham, ont fait dix morts parmi les militaires libanais en quelques heures). Le réflexe confessionnel joue en défaveur de l’Armée, non sans rappeler la solidarité exprimée au début de la guerre civile libanaise par les milieux sunnites avec l’OLP de Yasser Arafat contre l’Institution militaire…
La route de Genève 2 passe par une montée de la violence en Syrie et par un risque de plus en plus grand de débordement de cette violence vers le Liban. Cela semble un passage obligé que le Liban doit tenter de traverser aux moindres frais. Mais pour le Liban, les grandes questions, existentielles, seront posées après…