Des djihadistes libanais vont faire leur djihad en Syrie, par milliers. Les djihadistes libanais chiites répondent à l’appel du SG du Hezbollah et du Guide suprême de la révolution iranienne l’ayatollah Khamenai, et vont défendre les sites religieux chiites en Syrie et le régime alaouite allié de Téhéran. Ils retrouvent sur place des combattants de formations radicales chiites irakiennes, et même des rebelles Houthis du Yémen. Les djihadistes libanais sunnites répondent aux appels au djihad contre le régime Assad lancés par un Youssef al-Qardaoui, un Ayman al-Zawahiri, le mufti d’al-Azhar, le Grand Mufti d’Arabie saoudite, les salafistes libanais, etc. Ils se rendent en Syrie, motivés par la dimension globale qu’on a vite donnée au djihad contre le régime Assad, rejoints par des djihadistes palestiniens et internationaux dont certains partent du Liban ou transitent par ce pays. Après la Syrie, repasseront-ils par le Liban pour poursuivre ailleurs leur djihad?
Les djihadistes libanais, sunnites et chiites, et les milliers de djihadistes internationaux attirés par cet autre devoir religieux selon les interprétations les plus crues de l’islam, sont les petites mains d’un jeu géopolitique qui les dépasse de loin. Dans une précédente analyse intitulée “Syrie: Le djihad au service de la géopolitique. Et après?!“, MESP s’interrogeait sur la pertinence de cette manipulation pernicieuse, même si elle peut être efficace dans une perspective de très court terme, du djihad, pour servir des projets politiques spécifiques. MESP estime que les grands acteurs de ce jeu géopolitique qui se déroule sur la scène syrienne, internationaux surtout et régionaux, subiront forcément le désoeuvrement de dizaines de milliers de djihadistes freelancers, dont des centaines venus d’Europe, et devront aussi gérer des rapports qui ne feront que se complexifier avec les courants de pensée de l’islam radical et les organisations prônant le djihad global. Cela concerne les Etats-Unis, la Russie, la France, la Grande-Bretagne, la Belgique, l’Allemagne, la Tunisie, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, l’Arabie saoudite et bien d’autres.
Le monitoring des individus revenus de Syrie et des réseaux de djihadistes remontés par ce nouveau round de djihad et frustrés par les résultats incertains de leurs sacrifices, réduirait la menace immédiate pour un pays comme la France. Mais l’effet de boule de neige que provoque cette combinaison de facteurs sur lesquels les autorités françaises n’ont que très peu d’influence, qui sont la radicalisation évidente d’une frange de plus en plus grande de la jeunesse islamisée, la diffusion et l’ancrage dans les esprits des radicaux de la notion et du devoir du djihad global, et tant d’autres, paraît irréversible. La synergie est de plus en plus évidente entre les terres du djihad qui ont tendance à se multiplier à la faveur aussi de projets politiques portés par les puissances internationales, et les terres d’accueil qui sont de plus en plus accueillantes d’ailleurs pour les populations islamisées les plus radicales… Cela portera le djihad, qu’il soit le fait de loups solitaires ou de freelancers, ou le fait d’organisations, vers les terres d’accueil, d’une manière ou d’une autre. Cela s’est produit de manière spectaculaire un 11 Septembre 2001 à New York, et cela s’est produit récemment à Boston, Londres, Paris. Cela se reproduira immanquablement.
La Syrie attire les djihadistes de tous poils, des djihadistes chiites qui seront recadrés vraisemblablement pour une multitude de raisons, par des sponsors régionaux et des références religieuses autoritaires, et des djihadistes sunnites qui le seront moins, forcément… De nombreux djihadistes sunnites se replient déjà vers le Liban, tout proche, après la progression des forces armées syriennes et du Hezbollah dans la région de Qoussair. En premier lieu, des combattants syriens et libanais, mais aussi de nombreux combattants palestiniens qui rejoignent, avec d’autres djihadistes arabes et étrangers, les camps palestiniens de Beyrouth et d’Aïn el-Héloué.
De nombreux blessés parmi eux qui espèrent se refaire une santé avant de poursuivre leur djihad. Seulement, où sera leur prochaine destination? Le Liban qui les accueille et où plusieurs facteurs risquent de le transformer d’une dar nosra en dar harb : populations multiconfessionnelles, fief du Hezbollah, présences d’intérêts internationaux, etc? La Syrie où, sauf retournement rapide de la situation, les voies de retour leur seront plus que difficiles, voire impossibles…? Une chose est sure, ces combattants de l’islam seront un fardeau pour le Liban qui lui manquera et les moyens et l’unanimité nationale pour s’en débarrasser. Iront-ils faire leur djihad ailleurs? Cela n’est pas impossible.
D’ores et déjà, on évoque des filières de recrutement qui tentent d’encadrer les djihadistes originaires du Maghreb, de Libye et de Tunisie surtout, afin de les orienter vers une autre terre de djihad : le Mali… Ces mêmes djihadistes que la France pensait contrôler lors de la guerre contre le colonel libyen Moammar Kadhafi, et que des acteurs internationaux et régionaux ont orientés vers la Syrie, repartiraient se battre au Mali contre … la France?! A méditer… D’autres filières djihadistes se manifesteront au Liban pour recruter des combattants, et d’autres terres de djihad s’imposeront comme une évidence au cours des prochains mois et des prochaines années. Faut-il peut-être mettre de l’ordre dans tout cela, à la source, à partir du Liban, pour éviter une multiplication des filières et un éclatement des actes djihadistes? Le Liban risque donc de devenir exportateur net de djihadistes vers la région et au-delà : aujourd’hui vers la Syrie, demain vers le Mali et le Maghreb, plus tard vers le Golfe, et un jour peut-être vers la France et l’Europe?? L’instabilité grandissante au Liban et le chaos général qui accompagne l’afflux massif de réfugiés venus de Syrie et de combattants blessés ou en déroute, sont des facteurs de grands risques qu’il convient de traiter en urgence. Cela échapperait-il encore aujourd’hui aux partenaires régionaux et internationaux du Liban ??