Le Ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius s’est entretenu le 10/06 à Paris avec son homologue saoudien le prince Saoud el-Fayçal. La situation en Syrie était le principal sujet à l’ordre du jour. Le prince Saoud a surtout abordé avec Fabius la conférence de Genève 2, pour réaffirmer la convergence de vues entre Paris et Riyad sur l’issue possible à la crise syrienne “sans Bachar el-Assad”. La présence aux côtés du prince Saoud du prince Bandar Ben Sultan Ben Abdulaziz faisait l’évènement, bien plus que les simples concertations diplomatiques entre Ministres des Affaires étrangères.
Le Secrétaire Général du Conseil de la Sécurité Nationale et chef des “RG” saoudiens, revenu en force aux affaires à Riyad après une parenthèse d’incertitudes, conforte aujourd’hui sa place dans le système (contrairement à son propre frère le prince Khaled Ben Sultan Ben Abdulaziz, limogé du Ministère de la Défense sans ménagement), et gère directement le volet militaire et sécuritaire de la crise syrienne. Il le fait quasi exclusivement, depuis le repli du vice-Ministre des Affaires étrangères et fils du Roi Abdullah, le prince Abdulaziz Ben Abdullah Ben Abdulaziz qui avait eu la charge du dossier syrien lorsque la diplomatie prenait encore le dessus sur le tout-sécuritaire prôné par Bandar.
Tenant lui aussi d’une ligne dure en Syrie, Saoud el-Fayçal, qui a pu reprendre ses fonctions après son hospitalisation, peut être content de retrouver à ses côtés cet autre faucon du système saoudien lorsqu’il s’agit de défendre ses options syriennes. Bandar Ben Sultan, qui a certainement profité de son déplacement à Paris et en Europe pour tenir des réunions bien plus discrètes sur la Syrie, le Liban, l’Irak, l’Iran, le Hezbollah et Jabhat al-Nusra…, bénéficie aussi aujourd’hui du soutien de son cousin le prince Mohammad Ben Salman Ben Abdulaziz, fils du Prince héritier Salman et son chef de diwan et conseiller spécial. Bandar bénéficie également de l’inestimable soutien, au palais et au gouvernement, de l’incontournable Khaled al-Tueïjri qui fait la pluie et le beau temps encore aujourd’hui dans le petit cercle restreint autour du Roi Abdullah. Le tandem Saoud el-Fayçal et Bandar Ben Sultan se retrouve ainsi au coeur du mécanisme décisionnaire saoudien.
Avec Saoud el-Fayçal, Bandar pense le moment opportun, alors que le Premier ministre turc Recep Tayyib Erdogan et l’Emir du Qatar cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani sont tous deux rattrapés par des impératifs internes, de récupérer le dossier syrien, ou libano-syrien, avec le soutien de Paris et de Londres éventuellement.
Le tandem Saoud el-Fayçal et Bandar Ben Sultan a obtenu du Conseil des ministres saoudien réuni le 10/06 à Djeddah sous la présidence du vice-roi le Prince héritier Salman Ben Abdulaziz, d’adresser une condamnation sans précédent au Hezbollah libanais chiite pro-iranien pour son intervention militaire en Syrie. Les Saoudiens s’activent aussi pour accentuer la pression sur le Hezbollah et ses réseaux dans les pays du Conseil de Coopération Arabe du Golfe. Ils ont pu aussi arracher au Grand Mufti d’Arabie saoudite cheikh Al Cheikh d’appuyer les appels au djihad contre le Hezbollah du prédicateur des Frères Musulmans cheikh Youssef al-Qardaoui.
Avec la décision attendue de l’administration de Barack Obama d’autoriser les livraisons d’armes aux rebelles syriens, avant Genève 2 et dans l’espoir de contenir l’avancée de l’axe syro-iranien en Syrie, Bandar Ben Sultan se voit repousser des ailes après une longue période de doutes… Saoud el-Fayçal et Bandar Ben Sultan ont besoin du soutien de Paris dans leur contre-offensive actuelle, d’autant qu’ils perçoivent des signes encourageants de Washington…