L’accrochage survenu dans la nuit du 01 au 02/06 dans les montagnes surplombant Baalbeck, entre des éléments du Hezbollah et d’autres de l’Armée Libre de Syrie, n’a pas été confirmé officiellement par les autorités libanaises. Ni par le Hezbollah, ni par l’ALS d’ailleurs, et ce, vingt-quatre heures après l’accrochage qui aurait fait quinze morts dont un seul parmi les combattants chiites et quatorze parmi les combattants sunnites. L’information, imprécise, qui parle d’une unité de l’ALS qui s’apprêtait à mener de nouvelles attaques de roquettes contre des villages chiites au Liban, et à partir du territoire libanais, laisse supposer une plus grande vigilance du Hezbollah dans cette région non loin d’al-Qussayr, et une tolérance zéro à l’égard de l’implantation de groupes hostiles sur la zone.
Plusieurs incidents survenus ces derniers jours annonçaient une volonté chez l’ALS et Jabhat al-Nusra, soutenues par des relais libanais locaux, de mettre une pression militaire sur les bases-arrières du Hezbollah dans les régions limitrophes des zones de combat en Syrie. Il y a eu surtout l’assassinat, quelques jours auparavant, de trois militaires libanais à Arsal, sur un site de l’Armée libanaise fraîchement installé dans le but d’assurer une meilleure surveillance des flux de combattants de l’Opposition syrienne et de djihadistes. Il y a eu aussi les menaces, proférées ouvertement par le chef d’état major de l’ALS le général Idriss, contre le Hezbollah, de le frapper au coeur de son fief dans la banlieue-sud s’il ne retirait pas ses combattants de Syrie.
L’accrochage survenu dans la nuit du 01 au 02/06, et qui peut expliquer le survol intensif de la zone, par temps clair et durant toute la journée du 02/06, par l’aviation israélienne, annonce-t-il le basculement de cette zone frontalière dans la guerre, comme une simple extension de Rif al-Qussayr? Ou est-ce le signe d’un arrêt net de la progression, jusque-là tolérée, de l’Opposition syrienne armée sur le sol libanais?
Il est clair que l’Opposition syrienne armée est tentée, plus que jamais aujourd’hui, de mettre une pression directe sur le Hezbollah qui se bat à Qussayr notamment, en essayant de déstabiliser son environnement immédiat là où c’est possible. Après les roquettes tirées contre la banlieue sud de Beyrouth, et les incidents qui se multiplient, la nuit surtout, dans les régions de Sabra et de Chatilla et leur voisinage, et alors que les relais salafistes locaux de l’Opposition syrienne s’agitent sur la voie stratégique de Saïda vers le sud-Liban (cheikh Ahmad al-Assir, ou encore sur les collines de l’Iqlim al-Kharroub), les accrochages armés reprennent au soir du 02/06 sur le front de Tripoli, entre les combattants salafistes soutenus par l’ALS et Jabhat al-Nusra et les relais alaouites locaux du régime Assad soutenus par le Hezbollah. Cela laisse craindre des tentatives, encore localisées mais qui tendent à se généraliser, de multiplier les frictions avec le Hezbollah et son camp à travers le Liban.
Les interventions, fermes et efficaces, du Hezbollah, lorsque cela lui semble indispensable, comme à Baalbeck contre les tirs de roquettes et l’infiltration de l’ALS, sont accompagnées d’interventions, tout aussi efficaces, de l’Armée libanaise et des services de sécurité officiels, pour mettre en échec des tentatives d’attentats ou de déstabilisation en cours de préparation.
L’Opposition syrienne armée et ses sympathisants libanais, syriens et palestiniens, multiplieront les tentatives pour frapper le Hezbollah au Liban, dans le but de le détourner de son combat actuel à Qussayr. Ces incidents s’inscrivent dans ce cadre, mais il nous semble que ce soit, pour le moment, le plafond de l’action que l’ALS et ses relais au Liban sont en mesure de mener. L’entrée en scène de Jabhat al-Nusra, avec les tactiques traditionnelles d’al-Qaëda (attentats-suicides etc.), pourrait faire bien plus mal, jusqu’à attiser encore plus les tensions confessionnelles. Mais, même cela, ne devrait pas détourner le Hezbollah de ses objectifs, stratégiques, en Syrie.
D’ailleurs, il faut s’attendre à une plus grande violence au cours des prochains jours et des prochaines semaines à Qussayr et ailleurs en Syrie, alors que les échéances politiques et diplomatiques approchent. Cela mettra, forcément, une pression encore plus grande sur le Liban qui vit actuellement un dangereux blocage politique (prolongation forcée et contestée du mandat du Parlement d’un délai de 17 mois, absence de gouvernement, risque de vacances aux postes clés de la sécurité, etc.).