Selon le Ministre français de l’Intérieur Manuel Valls, pas moins de 120 ou 130 djihadistes français sont partis en un temps record pour se battre en Syrie, soit 60 % de la totalité de Français engagés dans les rangs d’al-Qaida à l’étranger. Aujourd’hui encore, environ une quarantaine d’entre eux sont toujours sur place, les 80 autres revenus dans l’Hexagone étant sous haute surveillance… Valls, qui a fait ces confidences le 27/05 au Talk Le Figaro-Orange, estime que la menace terroriste en France est bien réelle, après l’agression le 25/05 du militaire qui patrouillait à la Défense. Il a voulu rassurer les Français, en affirmant que les quelque 80 djihadistes de retour du front syrien sont “sous haute surveillance”. Donc, comme Mohammad Merah, de Toulouse, les frères Tamerlan et Dzhokhar Tsarnaev, de Boston, ou encore Michael Adebolajo et Michael Adebowale, de Londres, les dizaines de djihadistes français qui rentrent au pays, de Syrie, de Mali et d’ailleurs, risquent d’être placés sous haute surveillance de la part des autorités compétentes…
Le Ministre de l’Intérieur fait partie d’une équipe gouvernementale aujourd’hui au pouvoir en France, mais il n’est pas responsable, exclusivement et personnellement, du départ et du retour des djihadistes français. Peut-être de leurs agissements sur le territoire national, mais pas de leurs déplacements. Mais Il est responsable, de manière solidaire, avec l’ensemble du gouvernement et de tout l’appareil politico-diplomatique et sécuritaire, de ces failles, passées ou qui s’annoncent, dans le dispositif de sécurité national. Vu de l’étranger, de la région qui réexporte en France les djihadistes français, le Ministre français de l’Intérieur ne serait pas le premier et principal responsable de ce qui risque de se transformer en débâcle sécuritaire. Le Ministère des Affaires étrangères, qui peut avoir une lecture inconhérente des développements en cours dans le monde arabo-musulman, ou une vision biaisée de ces développements, passe bien avant le Ministère de l’Intérieur sur la liste des responsabilités.
MESP s’est souvent intéressé à la question, et au djihad global, qui englobe donc la France, pour mettre en garde contre les risques que prennent parfois les autorités françaises en tolérant l’association de combattants français au djihad mené pour défendre des intérêts géopolitiques et stratégiques. Dans une note datée du 05/05/13, et intitulée “Syrie: Le djihad au service d’intérêts géopolitiques. Et après?!“, MESP se demande : “Que feront ces dizaines de milliers de combattants, endoctrinés et aguerris, après la campagne de Syrie?”. Il est question des “djihadistes chiites, minoritaires et bien encadrés” qui “suivront le destin de leur environnement social et politique immédiat, en Syrie, au Liban ou en Irak, avec une dimension géopolitique régionale probablement recentrée à la faveur des arrangements auxquels seront associés leurs sponsors iraniens”. Mais, pour le reste du monde et pour la France aussi, il y a surtout “les djihadistes sunnites, majoritaires, non encadrés malgré leur allégeance éventuelle à al-Qaëda et leur adhésion opportuniste à des groupes combattants comme Jabhat al-Nusra, et malgré aussi leur manipulation directe ou indirecte par divers services régionaux et internationaux” qui “iront déstabiliser d’autres terres de djihad…”.
La France, pour se limiter à ce seul pays même si son action ne peut qu’être collective et multilatérale pour réussir sa lutte contre le terrorisme, doit pouvoir coordonner les interventions de l’ensemble de ses leviers, politiques, diplomatiques, sécuritaires et militaires. La politique française (et celle des autres acteurs internationaux et régionaux) en Libye, au Mali ou en Syrie, affecte l’engagement militaire de la France, et impacte directement la sécurité des ressortissants et des intérêts français en France (retour des djihadistes) et à l’étranger (multiplication des attentats et menaces contre les représentations de la France dans le monde arabo-musulman). Le Ministre de l’Intérieur ne rassure guère en mettant sous haute surveillance les djihadistes qui reviennent prendre une halte en France ou poursuivent leur djihad sous d’autres formes. Il s’agit de 80 individus encore aujourd’hui seulement… Pas de 800, ni de 8.000, ni de 80.000… Pour rassurer davantage les Français, Paris a besoin surtout d’une politique extérieure plus cohérente et plus responsable, qui réduirait la prise de risques et l’exposition de la France, des Français et de leurs intérêts…