Depuis le brutal remplacement du prince Khaled Ben Sultan Ben Abdulaziz par le prince Fahd Ben Abdullah Ben Mohammad Ben Abdelrahman au poste, très stratégique, de vice-Ministre de la Défense, les spéculations n’ont pas cessé sur les dessous de ce changement, son timing, et ses implications. On évoque les rivalités internes, entre les princes Khaled Ben Sultan Ben Abdulaziz et Mohammad Ben Salman Ben Abdulaziz (dircab et conseiller très influent de son père le Prince héritier, 1er vice-Premier ministre, Ministre de la Défense Salman Ben Abdulaziz), des questions stratégiques, à savoir l’ouverture que tentait KBS en direction de la Chine (nouveau programme de missiles balistiques), des questions commerciales (liées à des contrats d’armements majeurs). On insiste sur l’éviction de KBS à son retour d’Asie et avant l’arrivée du Secrétaire à la Défense américaine Chuck Hagel à Riyad (et avant sa rencontre avec une délégation militaire française de haut rang conduite par le CEMA l’amiral Edouard Guillaud), et alors que d’autres courants au sein de la famille royale saoudienne imposaient au Roi Abdullah une nouvelle phase de rapprochement stratégique avec Washington. On évoque aussi d’anciens calculs, au sein de l’Institution militaire, hérités de Desert Storm, et surtout de la périlleuse guerre contre les rebelles Houthis au Yémen. Dans les implications de ce changement, qui s’inscrit en fin de compte dans le cadre d’une série de remaniements devant accompagner les successions en cours à la tête du système Saoud, on ne manque pas d’évoquer la relance, par le successeur du prince Khaled et son équipe, de programmes d’armement au profit de la Royal Saudi Navy et avec un partenaire particulier, la France.
Le monopole américain et britannique sur la Royal Saudi Air Force, avec les nouveaux contrats négociés lors de la visite de Hagel à Riyad et notamment la commande d’un nouveau lot de F-15 après celle d’un nouveau lot d’Eurofighter, n’empêche pas, en effet, que soient relancés les programmes navals franco-saoudiens au cours de la présente phase. Une série de paramètres rentrent en jeu, bien évidemment, et couvrent les relations bilatérales franco-saoudiennes, l’image de la France auprès des dirigeants saoudiens, des considérations techniques, militaires, technologiques, et commerciales, et bien d’autres. Un facteur qui ne manquera pas de jouer à ce niveau, et qui tombe dans le volet des relations bilatérales, celui de l’arrivée de l’ancien chef de la RSN, étiqueté « francophile », au poste de vice-Ministre de la Défense, avec le soutien du très influent prince Mohammad Ben Salman Ben Abdulaziz qui lui offre l’inestimable feu vert du Ministre de la Défense et du palais. Cela n’a pas échappé à « l’Opposition saoudienne », une opposition « électronique » mais qui devient « réelle ».
En effet, avec plus d’un million de Followers (1.018.395 exactement, au 27/04), @mujtahidd, le blogueur anonyme qui ne cesse de provoquer la famille royale saoudienne et ses services de renseignements, n’est plus une quantité négligeable, même si, ses tweets ne soulèvent pas, encore pour le moment, les rues du royaume… Ses tweets, généralement bien informés, peuvent même inquiéter des parties extérieures à la famille royale…
Suite à un simple calcul arithmétique, et selon un raisonnement logique et cohérent, Mujtahidd annonce, aux Saoudiens et à toute autre partie concernée, que la « francophilie » de l’ex-chef de la RSN nommé vice-Ministre de la Défense, la recomposition autour de lui à la Défense de son ancienne équipe rodée aux malversations et au business opaque, la « complicité » de l’entourage du Ministre de la Défense (Mohammad Ben Salman), etc., profiteront à la DCNS et à son programme de sous-marins en Arabie saoudite. Mujtahidd signifie surtout, par ses tweets consacrés à ce sujet, qu’il tient à l’œil les programmes des chantiers navals français avec la Marine saoudienne…
Il y est question d’une équipe composée d’un « Français », de francophiles, d’anciens de la RSN, d’actuels officiers de la Marine aussi, et surtout de personnages présentés par Mujtahidd comme particulièrement corrompus… « L’opposant » blogueur précise que l’équipe qui secondera le nouveau vice-Ministre saoudien de la Défense comprend notamment le général (à la retraite) Ibrahim al-Abdelkarim qui a la nationalité française et qui réside en France (présenté comme « le bras financier » du prince pour faire passer les contrats avec la France »), le général (à la retraite) Saleh al-Sudaïss, le général (à la retraite) Saleh Ibrahim al-Muqrin, qui a terminé sa carrière comme CEM pour l’Approvisionnement des forces armées, le général (à la retraite) Abdelrahman al-Madi, ancien directeur de la Guerre électronique à la RSN. Cette équipe pourra compter sur des relais au sein de la RSN, toujours selon Mujtahidd qui révèle une série de noms d’officiers : le général Abdullah al-Shibani, commandant des commandos de Marines, le général Hussein al-Sifiani, directeur des Renseignements de la RSN, le général Hassan Maatouq, chef de la Direction technique, le général Abdulaziz al-Omani, CEM des Renseignements et de la Sécurité de la RSN, le général Ahmad al-Sueïlmi, chef des Opérations spéciales de la RSN, le général Talal al-Mughamsi, directeur du Génie, et le général Abdelrahman al-Assaf, qui reste « au service personnel » du prince Fahd.
Dans ses tweets, Mujtahidd prévoit une relance rapide de programmes franco-saoudiens au profit de la RSN, et parle d’une complicité entre les princes Fahd Ben Abdullah Ben Mohammad Ben Abdelrahman et Mohammad Ben Salman Ben Abdulaziz, pour que soient lancées la 2ème phase de la modernisation des forces navales, dont le coût dépassera les RS70md, et « qui sera exécutée sans égard à l’efficacité des systèmes retenus » et la 2ème phase du programme de sous-marins qui est désormais prête après la détermination de deux sites adaptés en Mer Rouge (les îles de Fersan et de Ras Moheïsin).
Mujtahidd s’attarde sur le programme de sous-marins, dont le coût est estimé à RS40md pour l’achat de quatre sous-marins et de RS40md aussi pour financer les travaux d’infrastructures, et estime que ce programme est particulièrement intéressant pour Fahd, car les Etats-Unis refuseront de vendre des sous-marins à propulsion nucléaire à l’Arabie saoudite… Fahd, qui entend favoriser la France, avait préparé cela en envoyant, alors qu’il commandait la RSN, des équipages se former au Pakistan sur des sous-marins fabriqués par la société française DCNS (en Français dans le texte), pour ne pas éveiller les soupçons de la concurrence européenne et éviter d’être court-circuité par le prince Khaled Ben Sultan. Son « partenaire » au sein de la famille royale, le prince Mohammad Ben Salman, entend pour sa part favoriser ses amitiés espagnoles. Ce « problème » a été anticipé par les Français, selon Mujtahidd, puisque les sous-marins proposés par DCNS à la RSN sont développés et fabriqués conjointement par la France et l’Espagne… Mujtahidd poursuit sa campagne contre le nouveau vice-Ministre de la Défense, en insistant sur l’inutilité de ce programme de sous-marins, tel que défini actuellement, d’un point de vue strictement militaire…
Sans cautionner les révélations de Mujtahidd, ni ses attaques contre les responsables saoudiens ou encore contre les partenaires français, MESP ne sous-estime pas l’impact que pourraient avoir de telles révélations, en s’accumulant, sur l’image d’une société française travaillant sur le marché saoudien, comme DCNS, même si l’Arabie saoudite ne peut se vanter de l’existence d’une véritable « opinion publique », encore moins d’une quelconque façon de demander des comptes à la classe princière dirigeante. Quoique…