Les tentatives d’ouverture démocratique annoncées, sporadiquement, par les autorités émiraties, risquent-elles d’être entravées par les menaces internes et régionales grandissantes? Cette question se pose encore plus aujourd’hui, avec l’annonce, le 18/04, du démantèlement d’une cellule d’al-Qaëda qui projetait des attaques aux Emirats Arabes Unis et dans des pays voisins.
Déjà qu’il hésite à se lancer sérieusement dans un véritable processus de démocratisation, et qu’il maintient une pression toujours aussi forte sur les milieux opposants, le régime abudhabien peut justifier, en effet, ses nouvelles réticences à s’ouvrir démocratiquement par l’intensification des menaces internes. Ces menaces, qui expliquent la politique du tout-sécuritaire qui revient en force aux EAU, sont sérieuses et bien identifiées: (i) le bras de fer entre les autorités émiraties et l’organisation des Frères Musulmans accusée par les Emiratis de vouloir, directement et à travers ses filiales locales, renverser le pouvoir monarchique; (ii) l’entrée en scène d’al-Qaëda qui avait jusque-là épargné les EAU même lorsqu’elle s’en prenait à l’Arabie saoudite voisine et qui peut aujourd’hui trouver de multiples raisons pour menacer Abu Dhabi et Dubaï; (iii) les tensions persistantes entre Abu Dhabi et Téhéran autour des trois îlots à l’entrée du Golfe, attisées par d’autres facteurs bien plus convaincants (tensions confessionnelles, présence militaire occidentale, etc.), et qui se traduisent par une activité inquiétante des services iraniens et de leurs relais des Pasdarans et du Hezbollah sur le sol émirati.
Pour les alliés occidentaux d’Abu Dhabi, qui y voient un relais d’influence important sur la zone et un partenaire économique de premier choix, ces menaces risquent de peser sur la sécurité des EAU et sur la stabilité du régime. L’instabilité environnante (Iran, Yémen, Irak, Egypte, Syrie, etc.) accentue ces risques, et contribue à justifier, avec les menaces internes grandissantes, ce degré de tolérance favorable accordé aux dirigeants émiratis. Les ONG, comme Human Rights Watch, peuvent dénoncer les exactions commises par les autorités à l’égard d’opposants politiques ou des populations immigrées démunies des droits fondamentaux, sans grand effet encore pour le moment. Les autorités peuvent fermer les bureaux de think-tanks étrangers, comme la Rand Corporation (12/12), traquer les animateurs de réseaux sociaux trop critiques, etc., sans être vraiment inquiétées par Washington, Londres ou Paris. La stabilité des EAU reste, aujourd’hui encore et en plein “printemps islamique”, une priorité, pour des considérations économiques et surtout géopolitiques.
C’est ce que les dirigeants abudhabiens aimeraient à entendre aujourd’hui de la bouche de leurs partenaires stratégiques. Le Prince héritier d’Abu Dhabi, vice-commandant des Forces armées, cheikh Mohammad Ben Zayed Al Nayhan l’a certainement entendu, le 16/04, de la bouche du Président américain Barack Obama qui le recevait à la Maison-Blanche, alors que les autorités émiraties annonçaient le démantèlement d’une cellule d’al-Qaëda. Mohammad Ben Zayed a du entendre un discours similaire, sur la solidité de l’engagement de la France en faveur de la sécurité et de la stabilité des EAU, lorsqu’il a rencontré, à l’Elysée puis à Abu Dhabi, le Président François Hollande. Son demi-frère cheikh Khalifa Ben Zayed Al Nahyan, Emir d’Abu Dhabi et Président des EAU, est sûr d’entendre, lui aussi, ces mêmes assurances, de la bouche de la reine Elisabeth II qui le recevra à Buckingham Palace lors de sa visite d’Etat en Grande-Bretagne, et de la bouche du Premier ministre David Cameron qui a multiplié les contacts dernièrement avec les dirigeants abudhabiens.