L’interview attribuée au roi Abdullah II et publiée le 19/03 par The Atlantic, la veille de l’arrivée du président américain Barack Obama au Proche-Orient, a provoqué un tollé à Amman, y compris au palais semble-t-il, et dans plusieurs capitales arabes et régionales. L’impact des déclarations rapportées par le journaliste israélo-américain Jeffrey Goldberg, est tel que le palais a dû essayer de recentrer les propos du Roi, pour préciser, dans un communiqué publié au soir du 19/03, que l’interview comporte des méprises et que certaines questions abordées ont été sorties de leur contexte.
Pourtant, on a rarement attribué au souverain hachémite des propos si pragmatiques et si profonds d’un point de vue politique.
Ses propos, porteurs de critiques directes aux dirigeants de Syrie, d’Egypte et de Turquie, ont visé avec le plus de violence les Frères Musulmans, une organisation qui lui a déclaré la guerre et qui n’hésite plus aujourd’hui, à la faveur des évolutions régionales, de contester ouvertement son régime.
Reprenant l’essence de ses idées réformatrices qu’il répète dans ses cercles privés et devant ses hôtes et interlocuteurs occidentaux, Abdullah II n’a pas épargné non plus sa propre famille. Il a adressé ses critiques aussi à ses services de renseignements particulièrement influents au sein du système politique jordanien, les chefs tribaux qui constituent le pilier de son propre pouvoir, et bien évidemment à l’Opposition islamiste interne qui rebondit sur le « printemps arabe » pour déstabiliser son régime et lui confisquer certaines de ses prérogatives constitutionnelles.
Abdullah II, qui estime depuis quelque temps que le système monarchique devient désuet (ce qui ne doit pas rassurer ses alliés arabes conservateurs du Golfe avec lesquels il partage surtout la crainte à l’égard des Frères Musulmans), jette une bouteille à la mer, avec ce qui ressemble à un message de détresse à ses alliés, internes, régionaux et internationaux. « Monarch in the Middle », une interview-testament prédisent ses détracteurs.