L’Ambassadrice des Etats-Unis au Liban Maura Connelly, dont le pays qualifie d’organisation terroriste le mouvement militant radical chiite pro-iranien Hezbollah, a aussitôt exprimé sa solidarité avec l’Armée libanaise face à une autre organisation qualifiée de terroriste aussi par Washington : Jabhat al-Nusra. Dans sa condamnation de l’agression contre l’Armée libanaise, survenue le 03/02 à Arsal, non loin de la frontière syrienne, la diplomate américaine n’est pas allée jusqu’à citer Jabhat al-Nusra, ni al-Qaëda, mais ses insinuations étaient claires en appuyant l’opération menée par les forces de frappe de l’Armée libanaise pour interpeler Khaled Humaïd, opération qui a dégénéré provoquant la mort d’un officier et d’un sous-officier libanais. Connelly, qui œuvre pour l’accélération de certains programmes d’aide à l’Armée libanaise, doit connaître l’importance du terroriste Khaled Humaïd, djihadiste connecté à Jabhat al-Nusra et impliqué dans des actions visant des intérêts étrangers dont l’enlèvement de ressortissants européens (sept Estoniens). Elle doit redouter aussi l’installation au Liban, dans le confort et la quiétude, de certains relais et militants de Jabhat al-Nusra dont l’influence grandissante sur les évolutions en Syrie inquiète particulièrement Washington.
Dans ses opérations anti-terroristes, visant les groupes djihadistes sunnites transfrontaliers gravitant dans l’orbite d’al-Qaëda, comme Fatah al-Islam, l’Armée libanaise a le soutien des Américains (FLASH : Liban: déblocage en urgence des aides militaires à Beyrouth?) et des partenaires internationaux, notamment la France où se trouvait en visite officielle le général Jean Kahwaji le jour de l’incident (FLASH: Liban – France: reprise de la coopération militaire franco-libanaise). L’Armée libanaise, qui est sur une multitude de fronts simultanément, est engagée, selon ses capacités et en fonction de ses nombreuses contraintes y compris et surtout peut-être celles de nature politique, dans la guerre internationale contre le terrorisme. Elle n’a pas hésité, au cours des dernières années, à mener des opérations de grande envergure, comme dans le camp palestinien de Naher el-Bared en 2007, pour priver al-Qaëda de ses bases arrières au Liban.
Pour al-Qaëda, le Liban n’est qu’une terre d’accueil, pas de djihad (Liban: al-Qaëda au Liban : une terre d’accueil, pas une terre de djihad). La Syrie, dont le régime était passé maître dans la manipulation du terrorisme sous diverses formes, devient, elle, une terre de djihad, avec l’afflux de djihadistes appelés à combattre le régime alaouite des Assad. Au Liban, les rebelles syriens trouvent pour leur projet politique, des soutiens politiques, médiatiques et logistiques. L’hégémonie grandissante des djihadistes, et de Jabhat al-Nusra notamment, au sein de l’Opposition active sur le terrain en Syrie, fait craindre une synergie plus grande entre les milieux sunnites radicaux basés au Liban et leurs connections syriennes et globales.
C’est justement, ce risque de voir Jabhat al-Nusra (et d’autres groupes djihadistes qui se réorganisent au Liban, y compris dans les camps palestiniens, comme Fatah al-Islam) s’exporter au Liban qui laisse supposer une pression sécuritaire plus grande sur les régions sunnites susceptibles de se transformer en zones de non-droit et donc en fiefs djihadistes. Et c’est justement aussi cette pression grandissante sur les milieux radicaux sunnites qui risque de provoquer l’étincelle d’une nouvelle confrontation entre l’Armée et les groupes djihadistes.
La guerre en Syrie contre le régime Assad, sur fond de djihad global, les tensions confessionnelles que vivent notamment la Syrie, l’Irak et le Liban, les rivalités régionales et internationales qui s’extériorisent violemment au Machreq, sont autant de facteurs qui risquent de réduire la marge de manœuvre des autorités politiques libanaises et donc de l’Armée en cas d’ouverture du front libanais par al-Qaëda. Mais dans le contexte actuel, al-Qaëda et ses filiales présentes au Liban n’ont pas intérêt à passer à l’acte sur la scène libanaise. L’Armée libanaise, pilier de l’Etat et de la nation (FLASH : Liban : L’Armée, ultime rempart contre le chaos), le sait pertinemment, et évite, elle aussi, la confrontation généralisée, tout en cherchant à contenir la progression du militantisme sunnite armé sur le sol national. Les deux parties sont donc sur leurs gardes. Al-Qaëda et ses relais locaux, d’une part, et l’Armée libanaise et ses appuis internationaux, d’autre part, veulent éviter la confrontation directe, dans le contexte actuel, mais les deux parties craignent d’être entraînées dans un conflit qu’elles veulent reporter, ou éviter.