Fadi Assaf.
Le Ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian a effectué le 27/01 une visite à Riyad au cours de laquelle il a eu un entretien, protocolaire, avec le Prince héritier Salman Ben Abdulaziz, qui occupe aussi le poste de vice-Premier ministre et celui de Ministre de la Défense, et des discussions ciblées sur la coopération militaire et les contrats d’armement avec le vice-Ministre de la Défense le prince Khaled Ben Sultan Ben Abdulaziz.
Le Drian, qui était accompagné de son homologue des Anciens Combattants Kader Arif, a remis au PH un message du Président François Hollande adressé au Roi Abdullah Ben Abdulaziz. Le souverain, qui a été présenté devant les médias une nouvelle fois le 29/01 après sa récente hospitalisation, en recevant des princes et des religieux avec à leur tête le Grand mufti Al Cheikh, semble toujours incapable d’entretenir une discussion cohérente, alors qu’il est toujours souffrant. Il n’a d’ailleurs pas pu présider l’importante conférence économique arabe de Riyad, ni la dernière réunion du Conseil des ministres. Le Drian a donc parlé généralités avec le prince Salman, avec un intérêt particulier pour le dossier malien. Les autres dossiers d’importance cruciale pour les dirigeants saoudiens, notamment les dossiers iranien et syrien, seront à l’ordre du jour des discussions qu’aura avec eux le Président Hollande au cours de sa prochaine visite à Riyad, une visite qui aurait été reportée de quelques semaines, probablement pour permettre la tenue d’une réunion utile entre le président français et Abdullah Ben Abdulaziz.
A Riyad, la visite de Le Drian était perçue donc comme une visite préparatoire de la nouvelle visite de François Hollande au cours de laquelle il sera question des dossiers régionaux : le nucléaire iranien, la crise syrienne, le dossier palestinien, les évolutions irakiennes, le processus de réconciliation au Yémen, la stabilité du Liban, l’engagement au Sahel, la lutte contre al-Qaëda, les relations avec l’Egypte et les Frères Musulmans. Les dossiers couvrant les relations bilatérales, sur le plan économique et énergétique, et la coopération militaire, culturelle et politique, sont également en préparation. Pour le Ministère saoudien de la Défense (Salman Ben Abdulaziz, Khaled Ben Sultan), pour la Garde nationale (Mitaab Ben Abdullah Ben Abdulaziz) et pour le Ministère de l’Intérieur (Mohammad Ben Nayef Ben Abdulaziz), plusieurs programmes d’équipement et de formation sont dans l’attente d’une décision technique et politique. Les industriels français de la défense attendent surtout la finalisation du contrat de modernisation des frégates saoudiennes. Une annonce serait programmée au cours de la visite du Président Hollande à Riyad.
Les milieux opposants au pouvoir saoudien, qui s’expriment désormais surtout sur les réseaux sociaux, s’intéressent d’ores et déjà à ce programme d’une valeur estimée à $6md. C’est le cas de l’opposant saoudien Mujtahidd, non identifié, qui estime que ce contrat est une contribution saoudienne à l’effort de guerre de la France au Mali. Mujtahidd, qui est de tendance islamiste, dénonce systématiquement la complicité entre les Al Saoud et l’Occident, et peut dénoncer aussi le manque de solidarité de la famille royale à l’égard des musulmans visés par la France au Mali… Surtout, Mujtahidd, qui revendique plus de 900.000 abonnés sur son compte Twitter (@mujtahidd), promet de nouvelles révélations sur la corruption de la famille royale, à travers un tel contrat d’armement franco-saoudien et à travers d’autres commandes militaires saoudiennes. Les menaces de Mujtahidd ont d’autant plus d’écho à Riyad qu’elles coïncident avec l’annonce par Transparency International de sa liste des principaux pays importateurs d’armes les plus corrompus (2011)… Ca tombe mal pour Khaled Ben Sultan, qui a pourtant entrouvert dernièrement son ministère à Transparency International (organisation d’un workshop le 06/01 sur l’éthique et la corruption dans les institutions militaires, au Club des officiers à Riyad) puisque l’Arabie saoudite, qui a surtout passé des commandes ces dernières années à BAE Systems, EADS, Lockheed Martin, occupe les premières places du palmarès, avec l’Algérie, l’Angola et la RDC… Mujtahidd et les opposants à la famille saoudienne ont donc de la matière… Les contrats franco-saoudiens seront-ils particulièrement visés par leurs critiques? A suivre.