Fadi Assaf.
Les pays par où est déjà passé le printemps “islamo-arabe”, ceux qui y sont confrontés actuellement, et ceux aussi qui doivent appréhender ce mélange de révolution et de djihadisme transfrontalier, ont tous en commun des frontières poreuses, contestées, floues. S’il y a une leçon unanime à tirer de ces évolutions, d’un point de vue sécuritaire, ce serait bien l’indispensable contrôle des frontières nationales. Il y a les frontières, terrestres ou maritimes, qui ont besoin d’être préalablement délimitées, et les chantiers sont ici nombreux, et celles qui ont besoin d’être mieux contrôlées techniquement et politiquement. Pratiquement, tous les Etats arabes, et leurs voisins immédiats, sont concernés. Tous les gouvernements sont conscients du lien, direct, entre la stabilité interne et le contrôle de frontières nationales clairement délimitées. Tous ne ressentent pas le problème avec la même acuité, et tous ne perçoivent pas cette menace avec la même urgence. Mais, les problèmes frontaliers deviennent, pour eux tous, une priorité sécuritaire directement liée à la survie même de leur modèle politique.
Et à la question des frontières matérielles, souveraines, s’ajoute celle de nouvelles frontières, immatérielles en quelque sorte puisqu’elles sont par nature globales, celles des communications, des médias, des réseaux sociaux. La mobilisation des autorités contre la “violation” des espaces religieux, culturels, sociaux, politiques, économiques, par des “agressions” véhiculées par les médias, par internet, FaceBook, Twitter, le GSM, est bien visible dans les pays arabes et islamiques les plus fermés. Cette mobilisation peut être judiciaire et légale, technique et technologique, sociale et politique, et peut aussi revêtir une dimension religieuse ou aussi nationale et nationaliste.
Quant aux frontières terrestres, maritimes et aériennes, les autorités de ces pays surfent, logiquement, sur les vagues nationales et nationalistes, et opposent leurs frontières à celles de leurs voisins. Mais elles pensent de plus en plus à un facteur, longtemps négligé, celui de lutter contre un militantisme transfrontalier, un djihadisme global dont la grande mobilité est mise en avant encore plus aujourd’hui avec la multiplication de leurs théâtres d’opération.
La porosité des frontières sert, à l’évidence, la déstabilisation des pouvoirs. Les chaînes de télévision et médias saoudiens et qataris, qui bénéficient de moyens financiers considérables et d’une couverture religieuse, ont déstabilisé le pouvoir libyen, accompagnant sa chute, comme ils déstabilisent aujourd’hui le pouvoir syrien. Internet et les réseaux sociaux font peur aux mollahs d’Iran et aux dirigeants arabes du Golfe, jusqu’à les pousser à imaginer (pour l’Iran) un internet “halal” et une panoplie de lois et de contraintes (CCG) pour en atténuer l’impact sur le plan national. Les exemples sont nombreux au niveau de la porosité des frontières “virtuelles” des régimes arabes et islamiques et des programmes imaginés pour en assurer un meilleur contrôle.
Mais ce sont les programmes visant à assurer la sécurisation, la surveillance et le contrôle des frontières nationales, terrestres, maritimes et aériennes, qui focaliseront les attentions de ces gouvernements à partir de maintenant et à la lumière des évolutions récentes et actuelles. Les gouvernements œuvreront plus sérieusement en vue de finaliser les accords bilatéraux et multilatéraux permettant d’arrêter leurs tracés frontaliers (Iran – pays du CCG). Comme ils affecteront des moyens supplémentaires, militaires, technologiques, financiers, aux organismes, services, ministères, chargés des frontières. On pense à la réorganisation des services armés et de sécurité en fonction de ces priorités (Garde-frontières, Douanes, etc.), au lancement de programmes ambitieux et aménageables en fonction de l’évolution des menaces (Irak et Yémen pour l’Arabie saoudite, etc.), et à une plus grande coordination entre les pays voisins (Libye-Tunisie-Algérie, etc.). On pense aussi à la contribution nécessaire à ces efforts de la part des partenaires internationaux, dans la mesure du respect de la souveraineté nationale de ces pays, aussi bien au niveau opérationnel (mission de la FINUL marine au Liban), qu’au niveau technique et technologique (formation d’unités spéciales, équipements et matériels sophistiqués, fourniture de services divers comme des images satellitaires).
Il est clair que la sécurisation des frontières redevient une priorité au menu des programmes de coopération de la plupart des pays arabes avec leurs partenaires et fournisseurs internationaux. Pour les industriels spécialisés, le secteur mérite un monitoring plus poussé, surtout sur les marchés les plus porteurs et les plus urgents.