Fadi Assaf.
Le Roi Abdullah Ben Abdulaziz a nommé le 05/11 le prince Mohammad Ben Nayef Ben Abdulaziz au poste de Ministre de l’Intérieur. Le fis de l’ancien Prince héritier, 2ème vice-Premier ministre et Ministre de l’Intérieur Nayef Ben Abdulaziz, décédé en juin dernier, était vice-Ministre de l’Intérieur chargé de la sécurité. Il remplace son oncle le prince Ahmad Ben Abdulaziz qui quitte son poste “à sa demande” selon la formule consacrée au palais.
Le départ du prince Ahmad Ben Abdulaziz est une surprise. Pas la nomination du prince Mohammad Ben Nayef. En effet, Mohammad Ben Nayef, l’homme fort du Ministère de l’Intérieur et ennemi numéro un d’al-Qaëda, est, de facto, Ministre de l’Intérieur depuis plusieurs années. Même du temps où son père le prince Nayef dirigeait l’Intérieur, Mohammad, homme discret, professionnel et efficace, agissait en maître des lieux, surtout sur les délicats dossiers liés à la sécurité et au terrorisme. Il progresse, naturellement, pour devenir Ministre de l’Intérieur, après être devenu vice-Ministre et après avoir été adjoint du Ministre de l’Intérieur pendant plusieurs années. Il fait partie des princes de la 2ème génération, celle des petits-fils du roi fondateur Abdulaziz, et accède ainsi à une position de premier rang, au même titre que les fils du Roi Fayçal, notamment les princes Saoud el-Fayçal et Khaled el-Fayçal (respectivement Ministre des Affaires étrangères et Gouverneur de La Mecque, et dont le frère Turki el-Fayçal a été chef des RG), et au même titre, plus récemment, que le prince Bandar Ben Sultan Ben Abdulaziz (fils de l’ancien Prince héritier, vice-PM et Ministre de la Défense Sultan Ben Abdulaziz, ancien Ambassadeur à Washington, devenu SG du Conseil de la sécurité nationale avant de remplacer dernièrement son oncle le prince Muqrin Ben Abdulaziz à la tête des RG) ou aussi que le prince Mitaab Ben Abdullah (fils du Roi Abdullah Ben Abdulaziz, qui a été promu chef de la Garde nationale et nommé Ministre d’Etat membre du conseil des ministres). Sa nomination au poste de Ministre de l’Intérieur peut avoir plusieurs significations : (i) un nouveau message du Roi Abdullah en direction des princes de la 2ème génération de la famille royale, pour rassurer les ambitieux et les plus impatients d’entre eux sur leur avenir dans la hiérarchie du pouvoir; (ii) un message du tandem Abdullah-Salman aux premiers cercles du pouvoir familial sur leur volonté de débloquer la question de la succession (ou des successions), en secouant les préséances imposées (après le remplacement de Muqrin Ben Abdulaziz par son neveu Bandar Ben Sultan Ben Abdulaziz aux RG); (iii) un message du Roi Abdullah et du Prince héritier Salman à leurs successeurs respectifs, pour espérer préserver, après leur départ, la place et les intérêts de leurs propres fils (à moins que les plus en vue parmi eux n’accèdent, du vivant du Roi et du PH, aux positions espérées); (iv) un message de sécurité et de stabilité que le pouvoir entend ainsi envoyer dans plusieurs directions, notamment pour exprimer sa détermination, avec “monsieur sécurité”, d’éradiquer le terrorisme d’al-Qaëda, et d’éviter tout risque de “printemps saoudien”…
La nomination du prince Mohammad Ben Nayef au poste de Ministre de l’Intérieur paraît une évidence, vue du palais, et même vue de la rue saoudienne. Le départ du prince Ahmad Ben Abdulaziz, qui a réussi le test stratégique du pèlerinage, est moins bien compris. On peut s’interroger, en effet, sur les raisons et les implications de ce départ (i) est-ce pour permettre, comme on l’évoquait précédemment, l’arrivée, opportune et nécessaire dans le contexte actuel, du prince Mohammad Ben Nayef à la tête du Ministère de l’Intérieur? (ii) est-ce pour sanctionner la politique d’ouverture suivie par Ahmad en direction des anciens terroristes (repentis) et dont les résultats s’avèrent incertains (deux membres des Gardes-frontières ont été tués le 05/11 dans une embuscade que leur ont tendue des “repentis” dans le sud du royaume); (iii) ou est-ce pour sanctionner Ahmad et donner l’exemple après une série d’accidents meurtriers dans le royaume (dont l’explosion d’une citerne de gaz à Riyad le 03/11 qui a fait plusieurs morts); (iv) dans un système où les sanctions ne touchent pas la famille royale (traditionnellement), on peut s’interroger si le départ d’Ahmad n’est pas lié plutôt à sa préparation à accéder à un poste plus important (Salman proposait Ahmad au poste de 2ème vice-PM, ce qui lui ouvrirait la voie au poste de PH).
Ahmad Ben Abdulaziz a été remplacé, brusquement, au Ministère de l’Intérieur, par un successeur légitime, son neveu Mohammad Ben Nayef. Vingt-quatre heures plus tôt, Ahmad était aux côtés du Roi Abdullah et du PH Salman lors des discussions franco-saoudiennes le 04/11 à Djeddah à l’occasion de la visite du Président François Hollande. En effet, l’agence de presse saoudienne SPA a signalé la présence, aux côtés du roi Abdullah Ben Abdulaziz lors ses discussions avec le président François Hollande le 04/11 à Djeddah (et lors de la remise du collier du Roi Abdulaziz au président français), du prince héritier, vice-PM et ministre de la défense Salman Ben Abdulaziz, du gouverneur de La Mecque le prince Khaled el-Fayçal, du MAE le prince Saoud el-Fayçal, du ministre de l’intérieur le prince Ahmad Ben Abdulaziz, du conseiller et émissaire spécial du roi le prince Muqrin Ben Abdulaziz, du chef des RG et SG du CSN le prince Bandar Ben Sultan Ben Abdulaziz, du ministre d’Etat et chef de la Garde nationale le prince Mitaab Ben Abdullah Ben Abdulaziz, du vice-MAE le prince Abdulaziz Ben Abdullah Ben Abdulaziz, du ministre du commerce et de l’industrie Toufic al-Rubeiha, et de l’ambassadeur à Paris Mohammad Al Cheikh.
Ahmad ignorait-il ce jour là le sort qui lui était réservé? Ou le savait-il au contraire? Le souhait-il s’il lui permet de “débloquer” sa situation et de lui permettre de poursuivre son chemin vers la vice-présidence du gouvernement? Il est difficile de répondre aujourd’hui à ces interrogations, en attendant de voir la suite des remaniements au sein de la famille royale saoudienne. D’autant que s’il ne tombe pas en disgrâce pour les raisons mentionnées précédemment, Ahmad Ben Abdulaziz a toutes ses chances de poursuivre sa progression au sein de la hiérarchie familiale. D’autres princes attendent aussi le signal pour avancer à leur tour dans l’organigramme familial, dont le vice-Ministre des Affaires étrangères et fils du Roi le prince Abdulaziz Ben Abdullah Ben Abdulaziz qui doit s’inquiéter du retour aux affaires de son cousin le MAE le prince Saoud el-Fayçal, ou aussi le Gouverneur de La Mecque le prince Khaled el-Fayçal qui se voit au poste de 2ème vice-PM préalablement à sa nomination au poste de PH éventuellement, ou encore le prince Khaled Ben Sultan Ben Abdulaziz qui se voit bloqué au poste de vice-Ministre de la Défense en attendant un éventuel geste de son oncle le PH et Ministre de la Défense Salman Ben Abdulaziz.