Curieusement, au moment où les relations sont au plus bas entre Paris et Damas et que le régime syrien accuse la France de “soutien au terrorisme”, au Liban, on n’a pas trouvé mieux dans le camp du 8 Mars et dans l’entourage du Ministre de l’Energie Gebran Bassil, que de s’en prendre à un symbole de la présence économique française, Total. S’agit-il d’une simple coïncidence, ou d’un message direct adressé à la France dont on menace ainsi les intérêts économiques liés au potentiel gazier et pétrolier au Liban et sur le bassin oriental de la Méditerranée? S’agit-il d’attaques gratuites ou d’une nouvelle orientation politique contre la France et ses intérêts au Liban et en Syrie?
MESP n’a pas manqué de remarquer une analyse publiée, en arabe, sur le site du Courant Patriotique Libre (www.tayyar.org), intitulée “Le pétrole du Liban: 14 Mars et les deux phases”, et qui place l’assassinat du chef des SR du Ministère de l’Intérieur libanais le général Wissam el-Hassan, un fervent soutien au camp Hariri, au cœur des enjeux gaziers et pétroliers et au cœur de la coopération franco-syrienne puis franco-libanaise dans ce domaine. Total se retrouve forcément au centre de cette analyse, pour le moins confuse et incohérente, mais qui a le double mérite d’alerter la compagnie française (et pas seulement) sur deux risques : (i) celui de devoir gérer, en permanence, la dimension politique, voire politicienne, de son engagement en Syrie (ancien et futur), au Liban (probable), à Chypre (établi), et en Israël (hypothétique), et (ii) celui de devoir gérer les “dommages collatéraux” des politiques françaises au Liban et sur la zone et leur impact sur l’image de l’acteur technique et économique qu’elle est supposée être. L’analyse, abracadabrante, refait une lecture historique des relations franco-syriennes et franco-libanaises à travers l’angle du pétrole et du gaz, en y impliquant systématiquement Total… De l’ère Rafic Hariri-Jacques Chirac jusqu’à l’assassinat du général Hassan et de la défense du gouvernement du PM Najib Mikati par la communauté internationale, en passant par la résolution 1559, le Tribunal Spécial pour le Liban, l’accord de Doha, les élections de 2009, le remplacement des Français par les Russes dans le secteur pétrolier et gazier en Syrie… Tout y passe, y compris la perte par le Liban d’une zone maritime de près de 900km2 au profit d’Israël ou encore l’arrestation (par le même général Hassan) de l’ancien Ministre et député libanais pro-syrien Michel Samaha devenu pour l’occasion le premier homme des renseignements français au Liban et de … Total!
Encore une fois, l’intérêt de cette analyse n’est pas autant dans son contenu, mais dans son orientation générale: elle véhicule, via un militant du CPL, et via le site Internet du courant politique dont est issu le Ministre Gebran Bassil, un message hostile à la France et à Total, alors que le bras de fer se durcit entre Paris et le régime de Bachar el-Assad. L’analyse annonce un “compromis” russo-américain en gestation, sur le dossier syrien, qui se ferait, doit-on comprendre, au détriment de la France et de ses intérêts et de son groupe pétrolier Total. Tout cela, au moment où le Ministre Bassil, gendre du général Michel Aoun, multiplie les appels, des Etats-Unis et du Canada (où il se trouve actuellement), aux compagnies nord-américaines pour venir investir dans le secteur du gaz offshore au Liban.