Une conjonction de facteurs laisse supposer un déblocage en vue du projet de réhabilitation de la raffinerie de pétrole de Tripoli. Le quotidien al-Joumhouriya (19/10) place la relance de ce projet économique au profit de la capitale sunnite du nord-Liban, dans le cadre des concessions faites par le Hezbollah au Premier ministre Najib Mikati afin de l’aider à se maintenir au pouvoir et d’empêcher le retour de l’ancien PM et chef du Courant du Futur pro-saoudien et anti-syrien Saad Hariri.
Il y a donc tout d’abord une volonté politique stratégique chez le Hezbollah de continuer à soutenir Mikati, dont Tripoli, ville sunnite stratégique proche de la Syrie, est le fief, pour éviter un retour en force sur la scène politique nationale de Saad Hariri à la faveur des élections législatives de 2013. D’autres concessions de natures diverses et variées sont faites à Mikati pour le maintenir à son poste de PM, un poste qui reviendrait autrement à Hariri ne serait-ce que pour des questions de légitimité populaire et confessionnelle. La relance de la raffinerie de Tripoli améliorera certainement l’image de Mikati à Tripoli (création d’emplois, retombées économiques et repositionnement de la ville sur la carte énergétique), avec l’espoir, pour lui et pour le camp du 8 Mars, de l’aider dans sa campagne électorale en 2013 afin qu’il reste au Grand Sérail.
La stratégie du Hezbollah est naturellement celle du 8 Mars qui contrôle le Ministère de l’Energie avec le Ministre Gebran Bassil du Courant Patriotique Libre, alors que Mikati contrôle un autre ministère directement concerné par ce projet celui de l’Economie avec le Ministre Nicolas Nahas, lui aussi tripolitain. Il manquait encore d’imaginer le volet financier pour ce projet politique et économique, devenu stratégique suivant la lecture du Hezbollah, et d’éviter une implication trop visible des milieux d’affaires locaux gravitant autour de Mikati. Ce fut le Qatar. Le Qatar, où vient de se rendre le PM Najib Mikati, ne manquerait pas une occasion aussi abordable pour revenir sur la scène politique interne du Liban, et pour consolider son positionnement face à l’Arabie saoudite dont le premier choix reste bien évidemment Saad Rafic Hariri. Le Qatar, dont l’Emir Hamad Ben Khalifa Al Thani et son PM et MAE cheikh Hamad Ben Jassem Ben Jabr Al Thani ont promis à Mikati de réévaluer, unilatéralement et sans l’Arabie saoudite, la levée de leur embargo économique sur le Liban, gagnerait sur plusieurs tableaux à la fois avec un tel projet: il reviendrait sur la scène politique libanaise, en y devançant l’Arabie saoudite (à moins d’un improbable retournement de la situation rapide en Syrie au détriment de l’axe irano-Hezbollah), satelliserait Najib Mikati comme homme politique sunnite (face au pro-saoudien Saad Hariri, et tant que la situation politique reste bloquée en Syrie), rétablirait un contact indirect (mais utile pour le futur) avec le Hezbollah et le camp du 8 Mars, sans parler de son installation dans le secteur énergétique libanais (avec le poids que cela lui confèrerait dans d’autres projets énergétiques futurs au Liban et sur la Méditerranée…).