Dans un communiqué daté du 15/10 [lien en arabe], l’Armée libanaise annonce la participation d’unités navales et aériennes libanaises à un exercice militaire multilatéral à Chypre (ARGONAUT 2012), aux côtés d’unités des forces armées chypriotes, britanniques, françaises, allemandes et grecques. Des hélicoptères et des canots libanais participent à ces manœuvres qui se tiennent en deux temps, à Larnaca et à Limassol, et qui sont supervisées par le Ministre chypriote de la Défense Demetris Eliades et par le commandant de la Garde nationale chypriote le lieutenant-général Stylianos Nasi. Cet exercice multilatéral était à l’ordre du jour des discussions qu’a eues le Ministre Eliades à Beyrouth les 22-23/09, discussions consacrées principalement au dossier des frontières maritimes communes et du contentieux autour de la Zone d’Exclusivité Maritime, en plus du conflit en Syrie.
Le Liban est le seul pays méditerranéen, non européen et hors-Otan, engagé dans cet exercice. Il y a, certes, la guerre en Syrie et le déploiement de moyens importants des forces de l’Otan sur la zone, et il y a aussi la résolution 1701 et une composante marine de la Finul qui est chargée de surveiller son application. Mais il y a un fait nouveau, qui risque de poser problème, l’exploitation du gaz offshore par des Etats en guerre (Liban-Israël), ou en délicatesse (Grèce, Chypre – Turquie), ou qui ont des dossiers frontaliers à gérer (Liban-Chypre-Syrie). La sécurisation du bassin méditerranéen, surtout le bassin oriental de la Méditerranée, semble nécessiter des montages complexes et compliqués, afin de stabiliser le conflit israélo-libanais, avec ses ramifications régionales et sa dimension iranienne, et pour aussi gérer les autres contentieux qui opposent les riverains des champs gaziers offshore. Des compagnies internationales sont ou seront associées à l’ensemble des opérations d’exploitation de ce gaz, de l’exploration à la commercialisation, en passant par l’extraction et la liquéfaction, et leur implication exige des garanties sécuritaires qui dépassent leurs propres compétences et qui dépassent le plus souvent aussi les capacités et volontés des Etats riverains eux-mêmes. Les enjeux géopolitiques régionaux (conflit israélo-arabe, conflit irano-arabe) et internationaux (compétition mondiale sur les ressources énergétiques, avec, dans ce cas précis, une compétition entre l’UE et la Russie sur le gaz) imposent une gestion multilatérale de la sécurité dans cette partie instable de la Méditerranée.
Le Liban, pays riverain, a besoin de sécuriser ses champs gaziers, pour rassurer les compagnies étrangères, et pour optimiser l’exploitation de son gaz offshore. Ses forces armées seront sollicitées par d’autres pays riverains et des partenaires internationaux afin de contribuer aux arrangements nécessaires à la stabilisation de la zone. La participation d’unités aériennes et maritimes à l’exercice multilatéral à Chypre en serait les prémices de cette contribution. Dans le cadre des arrangements interlibanais, le Hezbollah, qui dispose de moyens militaires toujours plus performants (missiles sol-mer, drone), et qui reste au cœur de la stratégie de défense nationale en dépit des réserves émises par une partie de la classe politique libanaise qui perçoit l’organisation comme un bras armé de l’Iran en Méditerranée, pense devoir s’associer à l’Armée régulière pour défendre et protéger les richesses gazières nationales face aux menaces israéliennes. La cohabitation, qui fonctionne plus ou moins bien au sud-Liban entre la communauté internationale (Finul) et le Hezbollah, sous la caution de l’Etat libanais et de l’Armée libanaise, serait-elle transposable sur mer dans le cadre de cette volonté internationale de stabiliser les zones riches en gaz du bassin oriental de la Méditerranée? Quoiqu’il en soit, l’Armée libanaise a besoin de se doter de moyens supplémentaires pour pouvoir assurer une meilleure surveillance des eaux territoriales libanaises, et pour crédibiliser sa défense des installations offshore et des zones d’exploitation du gaz (des patrouilleurs dotés de radars etc.). L’Armée libanaise a besoin aussi d’envisager une aide opérationnelle élargie de la part des pays engagés militairement sur la zone (partage des capacités de surveillance aériennes, maritimes, terrestres et spatiales). L’Armée chypriote a les mêmes besoins pratiquement. Le salut pour les deux viendrait peut-être de l’UE.