Le Secrétaire Général du Hezbollah Hassan Nasrallah a consacré la première partie de son intervention télévisée du 11/10 à l’affaire du drone abattu le 06/10 au sud d’Israël, jouant parfaitement la dissuasion face à l’Etat hébreu, sans manquer d’envoyer un message clair à l’adresse de la classe politique libanaise. Nasrallah, en fin stratège, a reconnu être, avec son organisation, derrière cette opération, tout en cultivant volontairement le flou sur les caractéristiques opérationnelles du drone, baptisé Ayoub. Tout en faisant prévaloir la pertinence de la stratégie de défense élaborée par le Hezbollah, face à ses détracteurs internes et face à ceux qui, au Liban, exigent le désarmement de l’organisation chiite pro-iranienne, Nasrallah a surtout insisté sur la “libanité” du drone, conçu par les Iraniens, et non par les Russes comme il a tenu à le préciser, et assemblé par le Hezbollah, au Liban.
Opéré par les experts du Hezbollah, le drone, moderne et technologiquement avancé, et qui entre en scène juste après l’annonce par l’Iran de la mise en service du nouveau système Shahed “capable d’atteindre Israël”, est parti du Liban, précise Nasrallah, pour survoler la mer sur “des centaines de kilomètres” avant d’atteindre le sud d’Israël et de survoler les zones sensibles de Dimona sur “des dizaines de kilomètres”, avant d’être finalement abattu. Nasrallah rappelle que le drone, parti donc du Liban où il a été assemblé, et opéré par des Libanais, a traversé une zone truffée de radars déployés par Israël, les Etats-Unis, l’Otan et la Finul, pour survoler les eaux territoriales israéliennes où l’on s’active pour exploiter le gaz offshore auquel le SG du Hezbollah n’a pas manqué de faire allusion, avant de survoler des sites sensibles sur terre avec une allusion faite ici à la centrale nucléaire de Dimona.
Nasrallah, qui a précisé que ce n’est ni le premier ni le dernier drone envoyé en mission de reconnaissance au-dessus d’Israël, a fait allusion aussi à d’autres capacités militaires de l’appareil, entendre ses capacités d’attaque. Il a affirmé que ce nouveau drone est capable d’atteindre la Mer Rouge où, il n’a pas manqué de le rappeler, le drapeau israélien flotte encore aujourd’hui sur des îles conquises aux Arabes dans de précédentes guerres. Dans un autre message adressé à l’Etat libanais, et à l’Onu et la communauté internationale, Nasrallah a indiqué que, depuis les arrangements de l’été 2006 et jusqu’au 10/10, 20.864 violations de l’espace aérien libanais par les avions et drones israéliens ont été répertoriées, sans compter les violations des eaux territoriales libanaises ou de la frontière terrestre, laissant entendre que l’équipement de la résistance libanaise en drones rétablirait partiellement l’équilibre des forces dans le ciel…
Le Hezbollah, dont le désarmement est demandé par une partie des Libanais et de la classe politique libanaise, marque un point important en faveur de sa stratégie de défense, profitant de l’exploit de son nouveau drone, et de l’effet de surprise de cette action confirmée par cette annonce faite en direct. Pour le Hezbollah, l’action clandestine complète les moyens de l’Armée régulière, surtout si cette armée souffre de manière chronique d’un sous-équipement et d’une volonté délibérée de ses partenaires occidentaux de la priver d’une véritable capacité de dissuasion face à Israël. Le Hezbollah se replace ainsi au cœur de la stratégie de défense nationale, face à Israël, aux cotés de l’Armée libanaise, mais largement, sinon entièrement, autonome par rapport au commandement militaire libanais.
En insistant sur l’assemblage local du drone et sur son exploitation réussie par les djihadistes du Hezbollah, Nasrallah met en avant aussi bien le progrès technologique réalisé par son organisation, avec le soutien des Iraniens, que la capacité d’emploi rationnelle d’un tel système sophistiqué et face à des moyens israéliens et occidentaux clairement supérieurs. Le concept de la dissuasion est exploité à fond par le Hezbollah qui promet Israël de nouvelles surprises à l’avenir. Cela vise à empêcher les prises de risques incalculées et a pour objectif, ultimement, d’empêcher l’emploi des armes et les guerres. Le chemin est encore long dans ce cas particulier où la rationalité ne prime pas toujours, et où les dérapages, de part et d’autre, sont la norme…