A Amman, les autorités jordaniennes annoncent le démantèlement de nouvelles cellules terroristes venues de Syrie perpétrer des attentats en Jordanie. Pour leur part, les Salafistes jordaniens annoncent l’envoi de djihadistes combattre le régime syrien, et précisent, pour rendre plus crédible leur annonce, que six d’entre eux sont bien arrivés à Deraa le 03/10. En Jordanie, la rue s’agite et la confrontation s’annonce dure entre le régime du roi Abdullah II et les courants salafistes dont les revendications, politiques, touchent les fondements mêmes de la monarchie hachémite, à la faveur du “printemps arabe” et de la crise syrienne toute proche. En plus de cela, les risques de débordement de la crise syrienne vers la Jordanie prennent d’autres formes aussi, directes comme les accrochages qui se répètent entre forces armées syriennes et jordaniennes à la frontière, et indirectes comme la problématique des réfugiés syriens qui s’envenime de jour en jour.
En Turquie, la mort, le 03/10, de cinq ressortissants turcs tués par une bombe tirée à partir du territoire syrien, coïncide avec une exacerbation de la tension entre Ankara et le PKK et des informations sur un soutien logistique américain à l’Armée turque engagée sur le front kurde (livraison d’hélicoptères etc.). Le gouvernement du Premier ministre R.T.Erdogan, qui subit, outre la pression kurde, le poids de son bras de fer qui se poursuit avec les militaires, doit désormais composer aussi avec une contestation populaire grandissante de sa politique en Syrie. Erdogan, qui a « encouragé » l’Armée Libre de Syrie à quitter la Turquie, mobilise ses troupes à la frontière syrienne dans le but de dissuader Bachar el-Assad d’entreprendre des actions hostiles (alors que les dernières révélations sur la liquidation, sur ordre de la présidence syrienne, des deux pilotes turcs abattus à bord de leur F-4 par la défense aérienne syrienne accroît encore plus la susceptibilité entre les deux pays.
En Irak, la classe politique est divisée à l’égard de la crise syrienne, le Premier ministre Nouri al-Maliki adhérant toujours actuellement à la stratégie de l’allié iranien, alors que ses opposants le poussent à engager leur pays dans le camp adverse. Concrètement, la crise syrienne attise les tensions politiques en Irak, et les mesures, annoncées officiellement par Bagdad, visant à filtrer les liaisons aériennes et terrestres entre l’Iran et la Syrie pour empêcher l’afflux d’armes au régime syrien, ne sont appliquées que très partiellement et de manière arbitraire.
Au niveau palestinien, le conflit syrien a très vite “débordé”, comme en témoignent les accrochages meurtriers dans le camp de Yarmouk, et surtout le départ de l’état-major du Hamas et les attaques virulentes de Damas et de Téhéran contre Khaled Mishaal.
Au Liban enfin, le gouvernement s’en tient à sa politique de “neutralité”, alors que les Libanais sont divisés, dangereusement, entre les deux camps qui s’affrontent en Syrie. L’afflux de réfugiés syriens (et palestiniens), est difficile à gérer pour un gouvernement désorganisé et pour un pays aussi divisé. Mais le cœur du problème est ailleurs. Il est dans le risque, grandissant, de l’ouverture du “front libanais”.
Il y a plusieurs indications qui laissent supposer des tentatives du régime syrien de provoquer des incidents et des tensions confessionnelles au Liban. L’affaire de l’ancien Ministre et député pro-syrien Michel Samaha est un exemple. Mais les yeux restent toujours rivés vers le Hezbollah, qui a su résister jusque-là à la fitna, et qui est « invité » par l’Opposition syrienne et par l’Armée Libre de Syrie à « officialiser » son engagement militaire aux côtés du régime syrien.
Le Hezbollah, qui est tout sauf suicidaire, soutient le régime de Bachar el-Assad pour ce qu’il représente comme poids géopolitique sur l’échiquier régional, pour l’axe iranien. L’organisation chiite libanaise, toujours aussi concentrée sur son conflit avec Israël, a maintenu son soutien au régime Assad au “minimum acceptable” pour l’allié syrien et le sponsor iranien. Les exactions menées en territoire libanais par les insurgés syriens sont contenues par les autorités officielles libanaises, notamment l’Armée et son service de renseignement et la Sûreté Générale, alors que les actions militaires tentées par les forces salafistes et leurs alliés locaux ou syriens dans la capitale du nord Tripoli sont traitées par les milices alaouites armées à Jabal Mohsen. Même l’enlèvement en Syrie de pèlerins chiites proches du Hezbollah, dont neuf sont toujours détenus par les insurgés, n’a pas provoqué de réaction violente de la part de l’organisation libanaise. Le Hezbollah, qui attend d’y voir plus clair en Syrie pour recentrer sa stratégie libanaise et régionale, refuse, encore, de se laisser entraîner dans le bourbier syrien. L’annonce, le 02/10, par l’ALS, de l’assassinat d’un chef militaire du Hezbollah à Homs, et les mises en garde adressées le 03/10 par le chef de l’ALS Riad el-Assad au Hezbollah pour retirer ses troupes engagées aux côtés du régime syrien, risquent-elles d’ouvrir le front libanais et d’entraîner les diverses factions libanaises à s’affronter sur le sol libanais?
Le Hezbollah, qui a annoncé la mort de trois de ses membres dans l’explosion, présentée comme accidentelle, d’un ancien dépôt de munitions dans la Béqaa survenue le 03/10, fait preuve de retenue, encore aujourd’hui. En sera-t-il toujours ainsi si d’autres incidents surviennent, l’impliquant en Syrie ou au Liban, et si d’autres défis lui sont lancés de l’autre côté de la frontière ou par le camp du 14 Mars qui tient à voir une implication militaire directe de la milice chiite dans le conflit syrien?
La partie qui chercherait à exporter le conflit syrien vers le Liban et les pays voisins est celle qui y verrait, à un moment donné, un exutoire qui lui permettrait d’alléger une pression devenue intenable. Ce serait le cas, aujourd’hui, des deux camps, le régime syrien et l’opposition armée. Les pays voisins, et le Liban en particulier, devraient y prendre garde.