La classe politique libanaise se lance déjà, très activement, dans les prochaines élections législatives, prévues en 2013. L’enjeu de ces élections, dont on ignore toujours aujourd’hui le cadre législatif, maintenant que le gouvernement dominé par le camp du 8 Mars a adopté un projet de loi qui ne devra pas passer au Parlement, dépasse la politique libanaise et les frontières du Liban. Il est question pour les acteurs régionaux et leurs relais locaux de préparer l’après-Assad en Syrie et d’accompagner les évolutions en cours sur le plan régional, alors que les rivalités saoudo-iraniennes et russo-américaines sont à leur paroxysme.
La « fitna » entre Sunnites et Chiites, toujours contenue au Liban au niveau militaire alors qu’elle devient une réalité ailleurs, y compris en Syrie, s’exprimera aussi dans les urnes, sur fond de compétition géopolitique. Le camp pro-syrien mise, au mieux, sur une stabilisation du front syrien qui permettrait au régime de Bachar el-Assad, allié de l’Iran et du Hezbollah, de ne pas s’effondrer au cours des prochains mois. Le camp pro-saoudien mise sur une dissociation, de facto, des scènes syrienne et libanaise, faute d’obtenir l’effondrement rapide du régime alaouite, et sur l’isolement du Hezbollah et de ses alliés du 8 Mars. Le chef druze Walid Joumblatt, dont les Ministres au gouvernement du Premier ministre Najib Mikati tiennent les clés de la majorité, attend d’être reçu par les dirigeants saoudiens, au cours des prochaines semaines, pour arrêter ses alliances politiques et donc électorales.
Le Premier ministre Mikati, qui s’est rendu à La Mecque représenter le Liban au sommet des pays islamiques (le Président Michel Slaïman, chrétien maronite, n’étant pas le bienvenu à La Mecque), espère défendre son gouvernement tant que cela lui sera possible, c’est-à-dire tant que les Saoudiens et les autres acteurs régionaux, entendre les Qataris et les Turcs, mais aussi la communauté internationale, n’ont pas encore décidé de le lâcher. Un geste qui en dit long sur les évolutions en cours à ce niveau, l’accueil réservé par le roi Abdullah Ben Abdulaziz à l’ancien Premier ministre libanais et chef du Courant du Futur Saad Hariri reçu en audience en compagnie du Premier ministre et Ministre des Affaires étrangères du Qatar cheikh Hamad Ben Jassem Ben Jabr Al Thani (13/08), alors que Najib Mikati est pratiquement mis en quarantaine par les Saoudiens en dépit de son statut officiel…
Pour autant, Hariri, sur lequel le Qatar semble tenté de miser au Levant, ne fait toujours pas l’unanimité en Arabie saoudite où sa société Saudi Oger vient d’être exclue d’importants contrats publics sur lesquels le clan Hariri misait pour renflouer ses caisses… Peu importe, en Arabie saoudite, et au Qatar, l’engagement contre le régime syrien et contre l’Iran et leurs relais au Liban n’a pas de prix ; c’est une question de conviction. Le Courant du Futur se réinstalle dans le paysage politique libanais, à la faveur des évolutions régionales, et surtout comme « champion » sunnite des prochaines élections législatives, des élections qui visent donc à arracher la majorité au camp pro-syrien et pro-iranien. Un enjeu géopolitique régional par excellence.