Au Moyen-Orient, grâce surtout à l’influence d’alliés experts en propagande, les médias les plus suivis sont mis à contribution pour attiser la guerre de l’information qui bat son plein entre les belligérants. Cela concerne tous les acteurs régionaux engagés dans des batailles centrales ou marginales, qu’ils soient Iraniens, Israéliens, Arabes, Turcs. Les médias officiels, les organes de presse, la presse privée, les médias audiovisuels à diffusion globale, les réseaux sociaux, les relais internationaux, les alter-médias, sont autant d’outils de désinformation aux mains des Etats, des clans, des réseaux, etc.
Coordonnée et ciblée, la désinformation accompagne les actions diplomatiques, politiques, militaires, et soutient des interventions régionales ou internationales concertées. Le conflit syrien, après le conflit libyen qui fut un exemple médiocre d’intégration et de coordination à tous les niveaux y compris médiatique (communication et propagande), militaire (d’un point de vue opérationnel), diplomatique (entre les pays alliés), ouvre la voie à un emploi massif de la désinformation dans le cadre de la stratégie de guerre générale. Cela est vrai dans les deux sens, sachant que la Syrie, et pour ce qu’elle représente comme camp regroupant aussi l’Iran, le Hezbollah, des courants altermondialistes, la Russie et la Chine, etc., est largement dominée par une machine de propagande internationale, bénéficiant d’une écrasante supériorité à tous les niveaux, et soutenue par des relais régionaux solides et déterminés. La Syrie a ses moyens officiels et ses plateformes de communication traditionnelles, qui sont combattues technologiquement (sur leurs propres fréquences) et par tous les moyens, et possède un soutien utile, mais certes insuffisant, auprès de ses alliés. Heureusement que l’Iran est là…
L’Iran contribue, directement ou indirectement, à la guerre de l’information en cours en Syrie, et s’implique surtout lorsqu’il s’agit de mener, avec les Syriens, une contre-offensive visant des adversaires communs comme les pétromonarchies arabes du Golfe. Le nouveau chef des Renseignements saoudiens, le SG du Conseil de la sécurité nationale, le prince Bandar Ben Sultan Ben Abdulaziz, dont la nomination à la place de son oncle le prince Muqrin Ben Abdulaziz comme chef espion du royaume (lire notre Flash : Arabie saoudite : « Retour en force de Bandar Ben Sultan ») ouvre la voie à toutes sortes de spéculations sur le rôle qu’il occupe désormais dans la guerre ouverte entre l’axe syro-iranien et l’axe saoudo-qatari (avec leurs ramifications respectives l’un vers le Hezbollah, la Russie et la Chine, et l’autre vers la Turquie, les Etats-Unis et l’UE), est une cible privilégiée de la propagande syro-iranienne. Quelques jours après l’attentat du 18/07 au Conseil de la sécurité nationale à Damas qui a fait plusieurs morts parmi la garde rapprochée du Président Bachar el-Assad et parmi les proches alliés de l’Iran au Levant, derrière lequel d’aucuns n’ont pas hésité à voir l’ombre de Bandar Ben Sultan, des médias iraniens, Press TV et IRIB, annonçaient la mort du nouveau chef des Renseignements saoudiens dans un attentat le 22/07 contre le siège des Renseignements saoudiens à Riyad.
Press TV (http://www.presstv.ir/detail/2012/07/22/252166/blast-hits-saudi-intelligence-building/), qui a rapporté l’information en Anglais, reprend une information d’un média yéménite al-Fajr Press. Cette agence yéménite, fantomatique, qui pourrait être un faux nez d’al-Fajr Media Center, l’antenne médias d’AQPA, cite des témoins oculaires, et annonce l’attentat contre le siège des Renseignements saoudiens en entretenant le flou sur la mort de Bandar Ben Sultan. Il est question d’abord de l’adjoint du prince Bandar comme l’indique la radio iranienne IRIB qui reprend l’information elle aussi, en Anglais :
« Blast kills Saudi Saudi deputy spy chief: A blast has hit the building of Saudi intelligence service in Riyadh, killing deputy of the newly-appointed intelligence chief Prince Bandar bin Sultan. Yemen’s al-Fajr Press quoted eyewitnesses as saying the explosion took place on Sunday when Bin Sultan’s deputy was entering the building. Saudi media have so far refrained from showing any reaction to the blast.”
En Français, les relais “alter-médiatiques” du réseau syro-iranien annoncent avec plus de certitude la mort de Bandar Ben Sultan Ben Abdulaziz. C’est le cas par exemple de Media Libre EU, « Le réseau indépendant d’information des patriotes francophones », qui annonce le 26/07, avec assurance : « Attentat au siège des services de sécurité saoudiens : Bandar Ben Sultan est mort ». Selon l’information (http://www.medialibre.eu):
« Le prince Bandar ben Sultan nouveau chef à la sécurité saoudienne (nommé il y a 2 jours) est mort dans un attentat au siège des services secrets saoudiens. L’explosion a eu lieu ce dimanche, quand M. Ben Sultan est entré dans le bâtiment. Les médias saoudiens se sont jusqu’à présent abstenus de montrer toute réaction à l’explosion, et ne fait aucun commentaire. Il est à noter que sa mort n’a pas donné un instant d’hésitation à la bourse saoudienne… Elle bondit joyeusement ! »
Bandar Ben Sultan, qui serait parti à Washington quelques jours seulement après sa nomination officielle à la tête des Renseignements, connaît parfaitement ces pratiques visant à déstabiliser l’adversaire, pratiques qu’il maîtrise lui-même, et sait lire les messages que portent ces attaques médiatiques. Il doit avoir déduit de cette attaque iranienne, qu’il redevient, en revenant aux affaires officiellement, une cible privilégiée de la propagande syro-iranienne…
Bandar Ben Sultan était au cœur des tiraillements saoudo-iraniens et saoudo-syriens (surtout après l’assassinat, à Beyrouth, de l’ancien Premier ministre libanais pro-saoudien Rafic Hariri), et au cœur aussi d’actions américaines hostiles à l’axe syro-iranien. A ce titre, il a essuyé, à plusieurs reprises, des tirs concentrés de Téhéran et de Damas et de leurs relais, y compris à Beyrouth, devenant une des cibles privilégiées de la propagande syro-iranienne contre les actions diplomatiques et sécuritaires saoudo-américaines dans le Golfe, au Levant et ailleurs.
Pour cette fois, « l’attentat médiatique » était “de faible intensité”, car peu sophistiqué dans le fond (surtout qu’une explosion aussi importante dans un lieu aussi sensible dans un pays aussi central dans la région, ne peut être longtemps ignorée), et Bandar Ben Sultan y a survécu. Bandar Ben Sultan s’attend, avec son retour aux affaires, à être la cible d’autres tentatives « d’assassinat médiatique », bien plus élaborées. Beaucoup plus élaborées, sinon, il mourrait … de rire.