Soixante-douze heures après avoir voulu porter le conflit dans la capitale Damas, les insurgés ont touché directement le cœur du dispositif sécuritaire du régime de Bachar el-Assad, éliminant d’un coup plusieurs membres du « premier cercle », y compris et surtout le général Assef Chawkat, beau-frère du Président et commandant opérationnel des forces armées et de sécurité. L’attentat, survenu en pleine réunion de l’état-major militaire et sécuritaire, et qui a provoqué aussi la mort du Ministre de la Défense, constitue un véritable tournant dans le conflit. Il confirme le noyautage des premiers cercles par les réseaux insurgés, souligne les moyens opérationnels dont disposent les rebelles, et démontre leur capacité à agir à Damas et au cœur du système. Cet attentat signifie aussi que les deux parties, le régime et les insurgés, se sont affranchies des contraintes qui maintenaient encore la violence sous un certain seuil.
« L’irakisation » du conflit syrien, entendre l’emploi excessif de la violence de part et d’autre, est en marche, et elle aboutira forcément à une « libanisation », entendre à une véritable guerre civile sur fond de clivages confessionnels et communautaires. Désormais, les insurgés, qui solliciteront les soutiens extérieurs, y compris probablement le djihad international, emploieront des moyens opérationnels et militaires plus efficaces et adopteront des tactiques plus ciblées. Les forces du régime, tombées dans les faits sous le commandement du général Maher el-Assad, frère du Président Bachar el-Assad, emploieront contre les insurgés l’ensemble de leurs moyens, y compris les forces aériennes.
L’épisode d’aujourd’hui n’est pas sans rappeler un évènement survenu en 1980, lorsque le Président Hafez el-Assad était visé par une tentative d’assassinat perpétrée contre lui par un membre des Frères Musulmans de Hama… A l’époque, son frère Rifaat el-Assad, reconverti depuis dans l’Opposition au régime et basé actuellement à Paris, avait eu les mains libres pour étouffer la contestation au prix de plusieurs dizaines de milliers de morts. Aujourd’hui, Maher el-Assad pourrait opter pour une solution tout aussi radicale. L’attentat du 18 juillet 2012 est un tournant dans le conflit, en ce sens qu’il provoque une généralisation de la violence, et une extension de la guerre. Un acte “suicidaire” de la part des insurgés, qui risque de provoquer une réaction, également “suicidaire”, de la part du régime. Certains espèrent y voir un coup de pouce aux arrangements internationaux, vers des compromis autrefois rejetés. Pour le régime comme pour les insurgés, la partie de violence est bien engagée, les compromis viendraient, éventuellement, après.