Par Fadi Assaf.
Le gouvernement israélien a approuvé le 09/07 le plan de protection des installations gazières et pétrolières offshore. Le plan, approuvé par le Ministre de la Défense Ehud Barack et le CEM le général Benny Gantz, met surtout l’accent sur les sites offshore proches du Liban, où la délimitation des zones maritimes entre les deux pays reste problématique. Le plan est établi par la Marine israélienne, qui en est le principal bénéficiaire avec l’acquisition prévue de quatre destroyers (1.300t) et le recrutement de plusieurs centaines d’opérationnels, et doit compléter le plan actuel qui repose sur des patrouilles et une surveillance autour des sites avec des vedettes lance-missiles. Le Ministère de la Défense espère obtenir un budget indépendant pour ce nouveau plan, une sorte de rallonge budgétaire estimée à ILS3md ($750m), en insistant surtout sur la nécessité d’assurer une protection permanente pour les sites sensibles, principalement le champ gazier de Tamar où la production est annoncée pour 2013, et le champ de Leviathan, et une protection spécialement adaptée. Plusieurs sites offshore doivent être protégés, dont certains se situent dans des régions contestées avec des pays voisins dont le Liban. La Marine israélienne, qui contrôle une surface de 13.500 km2, doit élargir sa mission, et se doter de moyens supplémentaires, afin d’assurer la surveillance et la sécurisation d’une zone économique exclusive estimée à 23.000 km2. Ses moyens actuels, y compris les vedettes LM, les sous-marins et autres bâtiments disponibles, sont insuffisants, et parfois inadaptés. Des drones font partie de la panoplie de moyens au service de la sécurité des installations offshore sur lesquelles le gouvernement israélien a décidé de ne pas poster ses soldats pour éviter de « légitimer » d’éventuelles attaques aux yeux d’agresseurs potentiels.
Les Palestiniens sont concernés, les Libanais bien évidemment, et bien entendu les Chypriotes et les Turcs. Le « fait accompli » impose une retenue aux Palestiniens qui observent, impuissants, l’exploitation offshore de richesses gazières et pétrolières qu’ils revendiquent au même titre que « les droits historiques ». Les Libanais, qui dénoncent les accords israélo-chypriotes sur la délimitation des frontières maritimes, contestent le rapport de forces que les Israéliens tentent de leur imposer en mer, par champs gaziers interposés. Ils se réservent le droit de réagir, d’autant que le Liban et Israël sont en état de guerre. La FINUL, avec sa composante maritime, tentera de remplir sa mission en mer, comme elle le fait sur terre (pas dans les airs…). La question a été abordée lors des entretiens que le Premier ministre libanais Najib Mikati a eus au Brésil, avec les autorités politiques et militaires, en marge du sommet de la Terre. Probablement qu’elle intéresse la France aussi, dont le Président François Hollande reçoit son homologue libanais le général Michel Slaïman à l’Elysée juste avant le 14 Juillet. Chypre se réfugie derrière ses accords avec Israël pour éviter une confrontation avec le Liban et avec la Turquie sur les dépassements constatés au niveau des frontières maritimes, comme elle se réfugie aussi derrière l’Europe dont elle se retrouve ainsi, de facto, un des approvisionneurs les plus proches en gaz. La Turquie, qui défend aussi les intérêts des Chypriotes turcs, refuse de se laisser impressionner par les démonstrations de force israéliennes et par l’exercice de realpolitik chypriote. La Syrie est suffisamment occupée aujourd’hui par sa révolution pour parler gaz en Méditerranée. Mais les Syriens n’y pensent pas moins, et y voient un double enjeu : un enjeu international, avec la contribution attendue des champs gaziers syriens à l’approvisionnement de l’Europe toute proche, et un enjeu local, avec la mainmise voulue par les Alaouites sur les espaces maritimes riches en gaz et en pétrole surtout dans l’hypothèse d’un repli du pouvoir actuel vers le pays alaouite…(lire notre analyse « Méditerranée – Liban : qui protègera les champs gaziers offshore ? »).
Le bassin oriental de la Méditerranée est une plateforme énergétique en devenir, avec ses inévitables dimensions économiques, politiques et géopolitiques. La contribution de la Russie et de Gazprom à l’exploitation du gaz israélien était à l’ordre du jour des discussions qu’a eues dernièrement le président Vladimir Poutine lors de sa visite en Israël dans le cadre d’une tournée régionale, alors que la Russie est aux premières lignes de la confrontation actuelle avec le régime de Bachar el-Assad en Syrie. La Chine, qui est juste derrière la Russie dans ce bras de fer avec le monde occidental, manifeste elle aussi un intérêt certain pour le gaz de la Méditerranée, comme l’a réaffirmé le 09/07 l’Ambassadeur chinois à Beyrouth Wu Zexian, à l’issue d’une rencontre avec le Ministre des Affaires étrangères libanais auquel il a remis une invitation pour se rendre en visite officielle à Pékin. Le diplomate chinois a clairement affirmé, sans diplomatie aucune, que « les sociétés chinoises attendent le lancement des appels d’offres pour participer à la prospection du gaz et du pétrole en mer », et que « nous attendons depuis un an » ce dossier qu’il faut impérativement « accélérer ». La Russie et la Chine proposent, l’une à Israël et l’autre au Liban, de contribuer à l’exploitation de leur potentiel énergétique, aux côtés de compagnies occidentales (américaines, françaises, etc.). Un tel schéma supposerait des arrangements qui dépasseraient, et de loin, les seules dimensions énergétique et méditerranéenne. Les plus optimistes peuvent penser à une coopération internationale, associant les acteurs traditionnellement influents sur la zone (Etats-Unis, France, etc.) aux acteurs qui affirment leur rang aujourd’hui à la faveur du conflit syrien par exemple (Russie, Chine, BRICS), une coopération internationale qui chapeauterait une coopération régionale nécessaire pour surmonter et contourner les multiples obstacles à un développement serein et prospère du potentiel énergétique du bassin oriental de la Méditerranée. Les plus pessimistes doivent penser à un rapport de forces dont sortirait le schéma classique du vainqueur et du vaincu, l’exploitation des richesses gazières et pétrolières de la zone revenant au camp du vainqueur naturellement. Les plus pragmatiques pensent à une combinaison de tout cela, qui donnerait lieu à un panachage d’arrangements et à une combinaison d’accords associant tous ou une bonne partie de ces acteurs, selon une équation qui reflèterait le poids relatif de chacun d’entre eux et sa capacité à s’imposer dans ce jeu aux contours bien définis (énergie, Europe, sécurité d’Israël, Méditerranée, etc.).