Entre deux réunions du « dialogue national » au palais présidentiel, le Premier ministre libanais Najib Mikati s’envole pour Rio, pour présider la délégation libanaise au Sommet de la Terre. Il a choisi, pour des raisons opérationnelles, un Gulfstream, parmi sa flotte d’avions privés, comme il a choisi, pour d’autres raisons, de faire escale à Monaco. Son bilan « écologique » ne sera pas pire que celui de la centaine de chefs de délégations à Rio. Son bilan politique, sur ce voyage seulement, sera neutre, comme sa politique de « neutralité » générale… Le bilan économique, de ce voyage encore, pourrait s’avérer le plus positif.
Au niveau politique, le PM libanais peut espérer « accrocher » quelques personnalités internationales concernées et impliquées dans les affaires régionales et celles touchant le Liban en particulier. Un premier contact, même s’il restait simplement diplomatique, avec le nouveau Président français François Hollande, serait « tout bénéf » pour Mikati. L’autre intérêt, d’ordre politique, en plus de la présence d’une personnalité politique libanaise de premier rang à la tête d’une importante délégation officielle, semble être « le tour de table » libanais réuni à Rio : un PM sunnite « neutre », secondé, « Nations-Unies » oblige, du représentant du Liban auprès de l’ONU à New York l’ambassadeur Nawwaf Salam, un sunnite proche du camp de l’ex-PM Saad Hariri, assisté de son plus proche Ministre, le Ministre de l’Economie, Nicolas Nahas, grec-orthodoxe, entourés tous les trois par un Ministre, directement concerné par le sommet, le Ministre de l’Ecologie Nazem Khoury, maronite proche du Président de la république Michel Slaïman, un autre, celui des Affaires étrangères, Adnan Mansour, chiite et proche du Président du Parlement Nabih Berri et du tandem Amal-Hezbollah, et enfin, par le Ministre de l’Energie Jebran Bassil, maronite lui aussi et représentant le Courant Patriotique Libre du général Michel Aoun. La boucle est bouclée. L’écologie, l’économie, les affaires étrangères et l’énergie sont représentées. Les communautés religieuses et les principales confessions aussi. Les chefs politiques et leurs courants également. Un mini-Liban à Rio. Justement, la diaspora libanaise ne sera pas en reste lors de ce voyage, car même si peu de réunions publiques entre la délégation officielle et la communauté sont prévues (comme une réception au consulat de Rio), chacune des parties présentes, et qui représente son courant et sa confession, saura parfaitement à quelles portes frapper à la veille d’élections législatives qui devraient, en principe, associer les Libanais de l’étranger… Si le bilan individuel ou partisan peut être positif, le bilan global ou national sera, au mieux, neutre, puisque la délégation libanaise porte en elle, et malgré sa diversité, les divisions des Libanais…
Au niveau économique, et en espérant des retombées écologiques sur le Liban aussi, le bilan « partisan » et même « personnel » risque d’être positif. On l’espère aussi pour le Liban. Plusieurs dimensions sont à prendre en considération, y compris les liens économiques, que l’on peut espérer renforcer et élargir, entre la très influente diaspora libanaise du Brésil et le Liban. Il y a aussi les échanges commerciaux et économiques entre le Brésil et les pays arabes, que les réseaux d’affaires libanais et libano-brésiliens peuvent dynamiser et enrichir. L’autre dimension, discrète sinon cachée, concerne le gaz offshore, et les chances, pour le Liban et le Brésil, de pouvoir intéresser les investisseurs brésiliens et les compagnies spécialisées à l’exploitation du potentiel gazier libanais en Méditerranée. Le Brésil, dont la Marine commande actuellement l’unité navale de la FINUL, est accepté, voire encouragé, par les divers protagonistes du jeu gazier dans le bassin oriental de la Méditerranée, y compris Israël. L’implication des compagnies brésiliennes dans ce projet, complexe d’un point de vue géopolitique, serait salutaire… D’autres partenaires sont intéressés par le gaz offshore libanais, y compris européens, américains et asiatiques. Le dispatching des partenaires entre les divers acteurs étatiques, Israël, Chypre, Turquie, Liban, se fera nécessairement avec le recul qui s’impose, et dans le respect des équilibres locaux, régionaux et internationaux. Encore une fois, le Brésil peut être un partenaire fiable pour le projet d’exploitation du gaz offshore libanais, fiable sur le plan technologique, financier, politique, diplomatique et militaire.