Le Président Michel Slaïman réunit le 11/06 les leaders libanais autour d’un énième round de « dialogue national », utile dans le contexte sécuritaire et politique actuellement très tendu. L’ex-Premier ministre et chef du Courant du Futur Saad Hariri sera personnellement absent puisqu’il n’a toujours pas décidé de rentrer au Liban pour des raisons de sécurité, mais il sera représenté autour de la table. Tout comme le SG du Hezbollah Hassan Nasrallah, qui propose une refonte générale du pacte national (il s’absentera personnellement pour des raisons de sécurité évidentes, mais sera représenté bien entendu à Baabda). Par contre, le chef des Forces Libanaises Samir Geagea a décidé de boycotter le dialogue national, malgré l’appel lancé par le roi Abdullah Ben Abdulaziz en faveur du dialogue. Geagea a besoin de se démarquer des autres chefs maronites, y compris le Président Slaïman, mais surtout le chef du Courant Patriotique Libre le général Michel Aoun et le chef des Kataëb l’ancien Président Amin Gemayel. Son discours est le plus radical, vis-à-vis des questions internes (armement du Hezbollah) et régionales (soutien à la rébellion syrienne), et son boycott du dialogue national paraît cohérent par rapport à ses grandes orientations politiques. Mais il semble aussi qu’il soit déçu par l’attitude de ses propres alliés au sein du 14 Mars : les Kataëb bien entendu, qu’il soupçonne de marchandages politiques tous azimuts (y compris avec le chef du Parlement et chef du mouvement chiite Amal, Nabih Berri), mais aussi Saad Hariri. Geagea, qui pense avoir déjà payé les « pots cassés » lors des arrangements connus par « S-S » (Syriens-Saoudiens) et dont il a été écarté, a du mal à cerner le point de vue saoudien concernant le dialogue.
En effet, il y aurait deux tendances, de plus en plus distinctes à Riyad : le roi Abdullah Ben Abdulaziz et son entourage immédiat (dont ses fils) qui penchent vers une certaine modération, au Liban, dans le contexte syrien actuel ; le Ministre des Affaires étrangères le prince Saoud el-Fayçal et ses proches (dont son frère l’ex-chef des RG et ex-ambassadeur à Washington le prince Turki el-Fayçal) qui prônent une radicalisation de l’offensive saoudo-libanaise contre le régime syrien à partir du Liban. D’ailleurs, c’est le roi Abdullah qui a adressé à Michel Slaïman les encouragements pour réunir les leaders autour de la table du dialogue, directement, via son diwan et sans passer par les voies diplomatiques classiques, alors que le MAE et l’ambassadeur saoudien à Beyrouth (l’ambassadeur Assiri, un « sécuritaire » spécialiste de la lutte contre le terrorisme doit rejoindre prochainement son nouveau poste à Sanaa) étaient tenus à l’écart de cette initiative (initiative qui a permis à Slaïman de poursuivre son « tour de table » des pays arabes du Golfe, et qui a encouragé d’autres acteurs politiques libanais, dont Amin Gemayel par exemple, à défendre le dialogue national).
Les personnalités qui se réunissent autour du Président Slaïman auront le mérite, en se réunissant, de détendre l’atmosphère politique et sécuritaire tendu. Mais elles auront le plus grand mal à traiter les dossiers litigieux, comme la « stratégie de défense » (en fait, le désarmement du Hezbollah), les évolutions en Syrie (en fait, la « neutralité » du Liban à l’égard de ces évolutions), ou encore l’évaluation d’une réorganisation générale des fondements de l’Etat libanais (en fait, une révision de l’accord de Taëf).